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Cultivons la curiosité

La loi du marché

Image de www.allocine.fr.

Image de www.allocine.fr.

Woh là, difficile retour à la réalité après n'avoir vu que des films divertissants durant ce mois, et il fait mal, très mal ce retour. Comme j'aime bien raconter ma vie, je vais vous expliquer comment j'ai pu voir ce film. C'est tout con. Donc, fin septembre j'achète FIFA '18, sur Auchan.fr, et avec j'ai obtenu un code pour un mois de MyCanal gratos, sans engagement rien, on se souvient tous de 2015 où Inod m'avait aussi offert un code pour ce service. Et mon premier film vu (j'ai activé le code fin octobre) est celui-ci. En fait c'est via le replay de Arte que j'ai vu ce film, en passant par MyCanal. C'est débile hein ? Et si je voulais voir ce film, c'est qu'il m'intriguait, oui, Vincent Lindon y semble excellent (je spoil, c'est le cas), et puis voilà, il semble y avoir une justesse dans ce film, je ne saurai dire, du coup, c'est bien tombé. Le film est réalisé par Stéphane Brizé, et il est sorti en 2015, l'acteur principal, Vincent Lindon donc, décrochera pas mal de récompense, dont le prix d'interprétation au festival de Cannes 2015, et le truc au César 2016, oui, la statuette est moche, pardon de le dire. Regardons la bande annonce.

Vidéo de Diaphana Distribution.

Je ne ferai pas la blague comme quoi j'ai vu ce film en VO tout ça, et donc on va suivre Thierry, un ex-ouvrier au chômage qui ne va pas tarder à être en fin de droit, et qui cherche du boulot donc. La séquence d'ouverture a lieu à Pôle Emploi, avec un entretien où il explique sortir de 3 mois de formation pour faire grutier, pour qu'au final on lui dise qu'il ne peut pas décrocher ce type de job par manque d'expérience au sol. Il explique ceci posément à son conseiller, qui ne sait pas trop quoi dire à part balbutier quelques excuses. Sur 15 stagiaires, 13 ne pourront pas exercer ce job par manque d'expérience, en gros ça n'a servi à rien, sauf (et ceci n'est pas dit) à faire baisser un temps les chiffres du chômage, les stagiaires étant rémunérés. Seulement ce qui inquiète Thierry, c'est ce sentiment d'urgence de trouver un travail, arrivant à la fin de ses 24 mois de droit, il va bientôt être au minimum de 500€ par mois, impossible de nourrir sa famille avec, et encore moins de permettre à son fils adolescent de terminale, handicapé qui plus est, de réaliser son rêve de devenir biologiste. Le pire c'est que ces informations sont dispatchées à travers le film.

Ensuite arrive la banquière, qui lui demande si il n'envisage pas de vendre son appartement, ce que refuse le personnage, l'impression d'avoir échoué dans la vie lui étant insupportable. Pire, il ne sont qu'à 5 ans de finir le crédit immobilier. Je passe rapidement, et on arrive à l'entretien Skype, où on ne verra jamais l'employeur potentiel, mais on sent le doute de celui-ci quand il constate que Thierry ne connaît pas la version 8 de je ne sais pas quoi, et qu'il est resté coincé à la 7, qui plus est il ne peut pas accéder à la version 8 en sachant que c'est très difficile d'obtenir des informations dessus quand on est "civil". On constate que Pôle emploi aurait plutôt dû lui proposer une formation là dessus au lieu de l'envoyer 3 mois à apprendre à devenir grutier sans arriver à obtenir le job.

C'est à travers des scènes de ce genre que l'on suit le calvaire de la recherche d'un emploi d'un homme d'une bonne cinquantaine d'années, qui essaie de se détendre avec sa femme lors d'un cours de danse, ou alors en dansant plus tard avec sa femme et son fils dans le salon. Rares moments de fausse détente. Il y a en plus cet entretien en famille avec le proviseur de son fils, qui avertit juste que les résultats sont en baisse au premier trimestre et que pour viser biologie, il faudrait faire des efforts, alors que le jeune homme semble bosser comme un fou à la maison. Enfin bon, les tracas quotidiens. En fait on est consterné par la sobriété de la réalisation, mais aussi et surtout par le jeux des acteurs, enfin acteurs, les gens jouant leurs propres rôles, offrant un putain de réalisme inégalé je trouve. On frôle ainsi le reportage, je pense à l'émission Streap Tease, vous devez connaître je pense, et ne peux m'empêcher de ressentir une gêne, comme si j'étais un voyeur dans la vie de Thierry. Ah oui, les acteurs n'en sont pas, ainsi la banquière est banquière, l'agent de sécurité aussi, c'est impressionnant, et ça se ressent violemment dans le côté, bah réaliste, mais je l'ai déjà dit.

Ensuite arrive la réunion Pôle emploi, avec un coach, et une mise à l'épreuve de la caméra et des autres chômeurs de Thierry devant un entretien imaginaire. On voit les claques qu'il peut prendre dans la gueule, répond trop vite, pas assez souriant, ne s'implique pas, ne montre pas sa motivation, la vache. L'épreuve est rude je trouve, violente même. Et si jusque là on ressent de la compassion pour Thierry et sa famille, et que l'on déteste plus ou moins ses interlocuteurs (la banquière, le mec de Skype, le conseiller Pôle emploi), vous allez haïr ce couple venu acheter le mobil-home familial, et qui va chercher à faire baisser le prix de façon gerbante. Certes le réalisateur nous impose de les détester, mais on plonge quand même, et là on voit toute la patience de Thierry, genre moi j'aurai pété un câble depuis longtemps avant qu'il ne mette fin à la transaction, oh purée. Mais tout ceci n'est rien avec le dernier acte. Thierry trouve enfin un boulot, agent de sécurité à Auchan, dans un supermarché, j'ignore si c'est Auchan ou quoi que ce soit, on s'en moque, car on va plonger dans ce monde de la surveillance, et découvrir d'autres personnages dans la souffrance quotidienne, qui ont un boulot, mais n'arrivent pas à s'en sortir.

Donc il y a les explications, celles de la salle vidéo sont effrayantes, je me suis vu agissant bizarrement quand je fais mes courses et me dis que je doit être méchamment surveillé par les caméras, mais ceci n'est rien comparé à la surveillance du personnel, et on le verra à travers deux cas. Avant ça on assistera au jeune qui vole un chargeur d'iPhone, et qui est d'un aplomb étonnant, surtout quand il ose demander la boîte à la fin, puis vient ce monsieur, qui vole de la viande car il n'a que quelques centimes pour finir le mois, on sent que ceci pèse sur les épaules de Thierry, qui ne peut pas montrer de faiblesse, mais on imagine qu'il pense qu'il pourrait être à la place du voleur pour nourrir sa famille, enfin bon bluffant. Entretemps sa voiture rendra l'âme, il ira voir la banquière pour demander un crédit de 2000€ sur 3 ans pour acheter une autre voiture, là, elle lui sortira un "je peux monter à 3500€ si vous voulez une meilleure voiture", putain, quelques mois avant elle lui proposait de façon gerbante une assurance vie, mais bordel, là elle cherche à vendre un crédit plus lourd à Thierry, qui reste taciturne, calme, posé, et n'en démord pas.

On assistera à un départ à la retraite ultra gênant, avec une chanson... et un discours du directeur, c'est tellement collé à la réalité qu'on n'en rigole pas du tout, c'est juste gênant quoi. Le pire arrive quand une caissière, de 20 ans de carrière, est prise la main dans le sac, elle a osé prendre des coupons réduction que les clients n'ont pas voulu. Et si jusque là on était troué de partout par les galères de Thierry, là on prend dans la gueule le fait qu'une caissière ne peut même pas prendre un truc qui pourrait lui permettre de joindre les deux bouts à la fin du mois, scène hyper gênante que cette convocation entre le directeur, les agents de sécurité et la caissière. Le film s'achèvera, je vous spoil, par une autre caissière surprise en train de passer sa carte fidélité (alors que les clients n'en n'ont pas) parce que les points sont multipliés pas 10, là Thierry n'en peu plus pour sa santé morale, il se casse de ce monde de merde pas même foutu d'être flexible avec les employés.

Je n'ai même pas parlé de la réunion des anciens de l'usine, qui veulent aller jusqu'au bout, on y constate que Thierry veut aller de l'avant, il n'en peut plus de se battre, le plus important pour lui c'est de trouver du boulot. Enfin bon, c'est 1h30 d'une intensité effarante, on plonge dans ce monde de galère qu'est la recherche d'emploi, avec les soucis que ça cause. Si déjà on est bien secoué par ça, le film en rajoute une couche avec cette plongée dans le monde des supermarchés, où l'on vire les gens pour faire augmenter le chiffre d'affaire, où on ne cherche pas à comprendre pourquoi une caissière essaie de boucler ses fins de mois avec des coupons que les clients ne veulent pas (ce qui provoquera un drame, je ne me remets pas de ce connard de DRH "ce n'est pas votre faute, ni la notre", pfff, fumier). Si par moment j'ai été gêné par le côté voyeur du truc, la plupart du temps c'est le choc qui prend le dessus. Vincent Lindon y est immense, et les autres personnages offrent un réalisme effrayant. Si je trouve que lui mettre un fils handicapé est un peu too much, ça permet surtout de comprendre pourquoi il n'envoie pas chier les acheteurs du mobil-home, ou pourquoi il met longtemps avant de quitter son nouveau boulot, il fait ça pour sa famille, pour s'en sortir, seulement l'horreur quotidienne de ce supermarché aura raison de son calme. J'avais peur que ça termine mal, et finalement c'est un peu le cas, on ignore ce que va devenir Thierry et sa famille, et c'est assez angoissant. Tous les gros connards qui disent que les chômeurs sont juste des profiteurs du système feraient mieux de voir ce film afin de comprendre la galère que c'est, tout ceci avant de causer à tort et à travers. J'ai adoré en étant la plupart du temps stupéfait par les scènes, on prend dans la gueule ce réalisme effrayant, et je vous le conseille à fond, c'est simple, ça m'a fait le même choc que Patients (ce dernier possède un peu plus d'humour quand même), à voir absolument, je compte même le prendre en DVD.

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