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Cultivons la curiosité

Les vieux fourneaux

Les vieux fourneaux

Un vendredi soir, 18h15 (en sortant du boulot quoi), l'été semble décidé à partir en vacances alors que le mois d'Août n'est pas achevé, ça commence à cailler, c'est nuageux, quoi de mieux que d'aller au cinéma voir une adaptation d'une bande dessinée française ? Oh là, l'endroit n'est pas blindé de vieux, mais il y a des cheveux gris par dizaine, voire vingtaine. Bon, j'avoue qu'à ce moment, voyant que le film du jour avait l'honneur de la grand salle (la 6) de mon cinéma, je me suis dit "ouh là, ce n'est peut-être pas un film pour moi, il y a bien de la personne âgée ici". Puis je me suis souvenu, le petit Alexandre lors de la projection de "Snoopy et les Peanuts, le film" ne m'avait-il pas fait remarqué que c'était bizarre qu'un trentenaire aille voir un film pour enfant, sans enfant je veux dire ? Non, rien de bizarre là dedans, la vérité est que je me fais vieux, et que c'est certainement le début de la fin pour moi. Après cette introduction joyeuse comme tout, petite bande annonce.

Vidéo de FilmsActu.

Je vais citer le cast, et le scénariste, et la BD originale, et le réalisateur, ne soyez pas pressé. C'était pour vous montrer à quel point une introduction bizarre par rapport à ce que l'on attend, pouvait sortir du sujet. Ce sera ma première sensation en regardant ce film (au delà du fait de me sentir hyper vieux vu la moyenne d'âge de la salle), cette impression bizarre que l'on force trop le trait pour transformer une comédie en tragédie. Ainsi, le film débute par Pierrot (Pierre Richard, sublime) qui est un révolutionnaire, un vieux, mais qui cherche à niquer le système. En mettant des allumettes dans les serrures des Banques, afin de bien emmerder le capitaliste quand ce dernier voudra entrer le lundi matin dans son agence.

Cette scène, qui aurait pu être brillante, exceptionnelle, fera "pschitt", comment on dit déjà, ne fonctionne pas. Oui, on nous présente des personnes âgées qui font des choses plus destinées aux jeunes, mais au final on ne comprend pas bien la personnalité de Pierrot. Une compréhension qui s'affinera au cours du film. Mais sans avoir lu les BD signées Lupano (au scénario de l'œuvre originale, mais aussi de ce film) et Cauuet au dessin, je me serais retrouvé, pas perdu, mais interrogatif, j'aurais sorti un "mais qu'est ce que c'est que cette merde ?" avant de me demander si je n'allais pas quitter la salle.

Surtout que la suite n'est pas glorieuse, Mimile appelle Pierrot et lui annonce qu'il l'attend pour aller à l'enterrement de Lucette (Alice Pol), la femme de leur meilleur ami Antoine (Roland Giraud). Si Pierre Richard sauve le début du film, on ne peut pas dire que l'histoire l'aie aidé. On s'emmerde un peu, surtout quand il y a l'introduction de Berthe lors de la crémation, et que Pierrot nous sort son gag de "je conduis mal". Mimile (Eddy Mitchell) sortira la phrase de la bande annonce "au mien d'enterrement" en voyant Pierrot arriver comme un fou au volant de son Autobianchi rafistolée.

Alors oui, lors de la crémation (c'est vrai que ce n'est pas un enterrement), on perçoit toute l'hypocrisie que les gens ressentent envers la famille à ce moment. Michel, dont on ne pige pas bien la personnalité au début, mais qui sera hilarant par la suite, est très collant auprès de Sophie (Alice Pol à nouveau), il y a l'artiste chanteur là, bien relou, enfin bon, que du classique, et j'avoue que cette scène fonctionne pas trop mal. Ensuite à la maison d'Antoine c'est plus délicat. Idem, on a vu pendant la crémation un Antoine refusant des gestes d'amour de sa petite fille (Sophie donc), et là, voilà que débarque Mimile et Pierrot, ce qui lui fait plaisir. Ils arrivent de façon brutale, séchant une bouteille de pinard au passage.

Ici, la magie va enfin commencer à opérer, un peu du moins. Christophe Duthuron, qui réalise le film, avait introduit brièvement l'histoire de ce village de Tarn-et-Garonne, avec la grosse usine, la contestation que cela avait entraîné quand Garan-Servier décida de partir dans un autre pays, refusant l'extension de l'usine, ceci à travers une case de BD. Donc le réalisateur avait déjà usé des effets spéciaux de forte belle manière pour nous conter le passé, et il recommence ici avec les trois compères se remémorant leur jeunesse. Tout est introduit doucement, et porte la spectatrice ou le spectateur vers une histoire un peu plus complexe.

J'en fini avec l'histoire, sans ne rien révéler, Antoine apprendra une nouvelle le mettant hors de lui, et le faisant partir sur un road trip, du Tarn-et-Garonne jusqu'en Toscane, oui, en Italie, ceci afin d'accomplir une vengeance. Mimile, Pierrot et Sophie (enceinte de 6 mois, je n'avais pas précisé), vont se lancer à sa poursuite pour l'empêcher de terminer en prison. En fait, c'est vraiment à partir de là que se lance le film. Même si Michel, un homme un peu stupide du village, qui aide Sophie à retaper la ferme que cette dernière à acheter, nous offrira un magnifique moment avec son "là j'ai été trop souple".

Laissez moi vous raconter cette scène hilarante. Alors que son papi Antoine est en route pour la Toscane, Sophie regardera le trésor de sa Mamie, elle qui a repris "Le Loup en Slip", le théâtre de marionnettes de Lucette, elle a désormais un carton plein des œuvres de sa grand-mère. Seulement, Michel décide de tondre la pelouse. Il est un peu lourd, et est certainement amoureux de Sophie, seulement c'est bruyant, du coup il va tout de même couper l'herbe, mais à la faux. Expliquant qu'il suffit d'être souple dans le poignet tout en faisant un bruit "schlack schlack" avec la bouche. Franchement, je regrette que ce ne soit pas Grégoire Ludig du Palmashow qui joue ce rôle, je me serais pissé dessus de rire. Ceci dit, l'acteur est tout de même excellent. Donc, il continue de faire "Schlack schlack", on l'entend en fond sonore pendant que Pierrot parle avec Sophie, à propos d'Antoine qui serait parti en Italie, puis on entend un bruit bizarre et un pneu qui se dégonfle et juste après un aveux de boulette de la part de Michel, qui reconnaîtra ne pas avoir été assez souple dans le poignet. Le tout avec un accent du sud à se tordre de rire. La façon dont est menée cette scène est exceptionnelle, on l'entend toujours en train de couper, puis lors de la boulette, on le sent emmerdé, mais pas trop.

Je crois même que c'est cette scène qui m'a enfin fait entrer dans le film. Jusque là c'était juste une comédie dramatique concernant des vieux, avec un rythme mou. Là, tout va s'accélérer. Mimile (qui a mis 10 plombes à sortir de l'Autobianchi pendant que Michel coupait le pneu), Pierrot et Sophie se retrouvent à pourchasser Antoine. Ah, et je n'ai pas dit, mais celui-ci roule en R19 Chamade, et pas la phase 2 hein, non, la bien vieille, tandis que ses poursuivant.e.s seront en vieux Tube Citroën. Sacrée poursuite comme dirait l'autre. L'histoire, qui n'en est pas à la moitié se transforme en road trip donc, où Sophie en apprendra plus sur les œufs de la Berthe, où Antoine taguera un M&M's gonflable, comme un doigt d'honneur envers la société, où Pierrot négociera des Bounty, les merdouilles chimiques mais pas dégueux avec de la noix de coco et du chocolat. Enfin bon, de quoi intensifier le rythme, et surtout enfin partir sur une comédie qui fait plaisir à voir.

Je ne parle pas de la dernière partie, avec les révélations faites. Si vous avez lu les 3 premiers tomes (comme moi), sachez que nous sommes sur l'intrigue de "Ceux qui restent", avec de grosses révélations issues de "Celui qui part", par contre presque rien de "Bonny and Pierrot", et je crois que du tome 4 "La Magicienne", il n'y a que le début d'intrigue concernant le père de Sophie, cependant ne l'ayant pas lu, je ne peux pas vous affirmer ceci. Il vaudra mieux avoir lu les tomes 1 & 3 donc, afin de ne pas se spoiler la BD, ou alors faire l'inverse, voir le film avant la BD pour ne pas savoir ce qu'il va se passer dans celui-ci. D'ailleurs, oui, le monologue anti vieux de l'aire d'autoroute du premier tome est là, il monte en puissance et est hilarant, moins que sur support papier, mais Alice Pol excelle ici, comme tout le long du film.

Car oui, le cast "vieux" impressionne, Pierre Richard, Eddy Mitchell, Roland Giraud et Henri Guybet, quel plaisir de revoir Henri Guybet, mémorable dans son rôle de vieux perdant la tête. Si je pense que Eddy Mitchell et Roland Giraud sont un cran en dessous, ça reste un avis personnel, et de plus, je reconnais que Eddy Mitchell joue le côté désinvolte et tranquille de Mimile parfaitement bien. Mais le personnage qui illumine ce film, c'est Sophie. C'est le cas dans la BD, mais sous les traits d'Alice Pol, ce personnage devient encore plus puissant. J'avoue, je découvre cette actrice après tout le monde, mais elle est parfaite. Même dans la scène de l'aire d'autoroute, et que dire quand Pierrot la calme en lui disant d'arrêter de poser des questions sur le passé, après tout eux-mêmes ne lui demande pas ce qui l'a poussée à quitter son boulot avec un moufflet dans le tiroir pour venir se perdre en pleine campagne, sans qu'elle ne dise qui est le père. La forte émotion dégagé par l'actrice à ce moment là, ouah, ça impressionne, croyez moi. Henri Guybet est lui aussi exceptionnel. Touchant même. Les autres actrices et acteurs sont dans le ton.

La réalisation est nickel, je ne me remets toujours pas du passage animé avec la marionnette, lors de la grande révélation sur les œufs, surtout quand on sait ce qu'il va se passer, je vous garantis qu'on se retrouve avec une banane mais aussi les larmes aux yeux. C'est sublime. Les effets spéciaux sont très discrets, mais servent tout le temps l'histoire. Ce passage où Antoine se remémore Lucette luttant contre Garan-Servier, où l'on croit l'image arrêtée, sauf que les acteurs et actrices bougent quand même, c'est bluffant.

Enfin bon, hormis ma difficulté à rentrer dans le film, la faute au ton trop tragique des premières minutes, j'ai passé plus qu'un excellent moment, j'ai juste adoré. Le fait d'avoir lu la BD n'entache en rien le plaisir de découvrir le film. Je repense à cette scène, quand Antoine fait le plein et qu'il déclare vouloir faire des choses, et là je repense à la tête de l'autre client, sur la seconde pompe, qui se posera des questions sans jamais intervenir. Il y a la conduite dangereuse de Pierrot, qui déçoit un peu, ça fait plus gag cartoon qu'autre chose, c'est peut-être cela qui ne m'a pas fait entrer d'emblée dans le film, je ne sais pas. Tout ce que je sais c'est que c'est un film à voir, plus drôle qu'émouvant, mais pourtant mêlant habillement toutes ces émotions. Un régal à voir, Alice Pol y est sublime, et l'histoire, connue ou non en fonction de votre lecture de l'œuvre originale ou non, y est bien menée. Un petit bijou de comédie française, trop rare, quoique mine de rien après l'excellent "Au Poste !" de Quentin Dupieux, me voilà avec deux films français vus et aimés en 2 mois. Ah, dernier point, mais on s'en moque un peu, j'ai pu voir ce film gratuitement, un ticket gagné par ma grand-mère obtenu à une tombola du coin, qu'elle m'a donné. En tous les cas, allez-y. J'ai adoré.

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