Cultivons la curiosité
Juste avant un mois de mai entièrement consacré au septième art, voilà une semaine spéciale cinéma. Et pas n'importe lequel. MIIKE Takashi m'a toujours fasciné. Le réalisateur Japonais a une réputation sulfureuse concernant ses œuvres souvent spéciales. Ou bizarres. Il n'hésite jamais à montrer la violence et le sexe comme il les imagine. Ceci donne des expériences pouvant ne pas plaire à toutes et tous. Personnellement, je reconnais ne pas toujours tout comprendre à son cinéma, j'ai encore la renaissance d'un personnage de son film « Gozû » en tête. Un homme revenant à la vie après avoir été accouché dans une scène marquante.
Bon en gros, il fait du cinéma à la fois d'auteur et de genre, virant souvent dans le gore, le sexe et le n'importe quoi. Le long des 6 films que nous allons voir cette semaine, il n'y a bien que le film du jour qui partira dans ce mélange de gore et de sexe. Je dis gore, disons plutôt violence sanglante. Bon, je dois reconnaître que je n'ai pas vu le film de demain ni celui de jeudi, mais ils font partis du MIIKE assagit je pense. On verra ça, en attendant, plongeons dans ce film, qui est l'adaptation d'un manga Seinen en 10 tomes signé YAMAMOTO Hideo.
Vidéo de Movieclips Indie
Commençons par l'histoire. Alors qu'un gang de Yakuza attend que son patron tire un coup avec sa maîtresse, ses sbires attendent sagement en bas. En même temps on voit un trio d'homme qui semble attendre un signal dans une camionnette. Une fois le coup de téléphone reçu, ils s'habillent et vont dans une salle. La pièce a changé de couleur, avec un rouge sang tapissé de partout. Un corps en son milieu, des tripes de partout. Ce n'est pas beau à voir, et on devine que les trois hommes vont devoir nettoyer tout cela.
Une fois la salle propre, on avance rapidement dans le temps, avec nos fameux Yakuza qui ne comprennent pas ce qui a pu se passer dans cette chambre. Le boss, la fille et l'argent ont disparu. Dès lors ce sera l'inquiétant et balafré KAKIHARA qui va mener l'enquête, quitte à torturer des gangs rivaux.
La scène de torture de SUZUKI est atroce. On a mal pour le personnage, et on constate que KAKIHARA est taré, complètement taré. Il se fera réprimander par le grand patron des Yakuza, et offrira un bout de sa langue en guise de pardon. Toujours pendant le même temps, on découvre un jeune homme timide et qui se fait insulter, maltraiter et menacer de mort par son patron. Il est serveur et s'est trompé sur la commande d'une cliente. Ce que l'on ignore encore, c'est que ce jeune homme peut se transformer en redoutable arme à tuer.
Et ceci nous le verrons avec le mac d'une des prostituée que Ichi aime bien. Nous avions déjà entrevus une scène de viol, sans savoir de qui il s'agissait. Et c'est ici qu'aura lieu la scène la plus spectaculaire du film. Ichi va découper en deux le mac, et ceci ne se fera pas dans une gerbe de sang contrairement à son autre victime. Ce que l'on ignore encore, c'est que Ichi est dirigé, ou contrôlé, par un homme qui tient à tout prix à tuer les « méchants ». Et dès lors une course entre le gang Anjô de KAKIHARA et l'équipe contrôlant Ichi (et Ichi lui-même donc) va débuter, à ceux qui trouveront les autres en premier pour les tuer.
Il se passe énormément de chose pendant les 2 heures du film. On y constate beaucoup de dérive. Surtout sur la douleur et le plaisir que certaines personnes peuvent avoir en la ressentant. KAKIHARA aime qu'on le blesse, qu'on le cogne, d'où ses nombreuses cicatrices. On constate aussi que le personnage a la particularité d'ouvrir sa bouche plus que permis, mais je vous laisse le soin de découvrir ceci.
Si le pseudo méchant (il n'y a pas de manichéisme à proprement parler ici, vu que les deux côtés ont tort et sont tarés) marque, d'ailleurs c'est KAKIHARA qui est mis en avant, Ichi n'est pas en reste. Ayant une érection quand il assiste à des violences, il est présenté comme ne pouvant pas jouir. Ichi a subit un traumatisme au collège, il a assisté à un viol, et regrette de ne pas être intervenu... là je vais être gore, mais il regrette de ne pas être intervenu dans les deux sens du terme. À savoir de ne pas avoir défendu sa camarade, mais aussi de ne pas avoir participé au viol. On l'apprend dans une scène incroyable avec Karen. Ici MIIKE nous montre un personnage féminin complètement détruit, le monologue est ahurissant, prenant. Avant que ça ne parte en sucette devant un Ichi encore plus malade que ce que nous croyions.
Oui, bon, je dois peut-être arrêter de raconter le film, sinon vous n'aurez plus de surprise. Comme d'habitude chez MIIKE, les personnages sont marquants, abîmés, cinglés. Jijii réserve une surprise de taille à la fin, je ne m'en remets pas. Mais ici, le réalisateur adapte un mange déjà dingue, mais à sa sauce, en respectant le matériau d'origine. On le verra avec l'OAV du second DVD, d'une durée de 47 minutes et réalisée par ISHIHIRA Shinji, il est plus proche du manga. Cette fois-ci ce sera une enfance trouble, avec des parents SM et une maltraitance scolaire, qui feront de lui un meurtrier au visage d'ange qui pleure quand il va commettre ses méfaits. Dans ce « Korishaya Ichi : Episode 0 » on verra que Ichi arrive à éjaculer, mais quand il verra quelqu'un souffrir. On verra comment Jijii est arrivé à contrôler et embringuer Ichi, dont il testera les capacités de tueur. Tout ceci ayant pour but de tuer KAKIHARA.
On comprend mieux certaines choses en voyant l'OAV, mais aussi on voit les différences mises en place par MIIKE. Ainsi le traumatisme n'est pas le même, mais reste dû à la maltraitance scolaire. MIIKE parlera aussi du harcèlement au travail, dans la toute première scène où l'on voit totalement Ichi. Beaucoup de thèmes sont abordés, les Yakuza, la sexualité divergente, la vengeance, la soumission, euh, bon, j'extrapole, j'ai peut-être tort, mais en gros, MIIKE nous décrit une société Japonaise malade.
Pourtant, ce qui marque le plus reste cette esthétique. Certaines scènes sont gores, celles de tortures notamment. Elles ne donnent pas la nausée, mais vous feront peut-être pousser des cris, des « aïe » des « j'ai beau être matinal, j'ai mal ». On souffre en même temps que les victimes. Les effets visuels sont excellents. Pourtant, en 2001, le Japon n'est pas réputé pour ça (voir « Returner » par exemple), mais ici, ils ne sortent jamais le spectateur ou la spectatrice du film. Ce qui est paradoxal, car dans « Zebraman », sortit 3 ans plus tard, les effets visuels ne seront pas top. De plus MIIKE se joue du fait que son personnage principal ne soit pas le super héros que l'on attend. Ichi est tout aussi atteint que KAKIHARA, et ça provoque un sentiment bizarre quand on regarde le film.
Un film à ne pas conseiller à toutes et tous. Il est violent, il fait mal, très mal. Il parle d'un Japon que l'on connaît finalement peu. Dans son style très proche des délirants mangas et anime, MIIKE arrive à nous faire faire des bonds, à nous dégoûter, à nous faire souffrir. Quand on aime le cinéma sanglant, c'est excellent. Voilà un film qui vous fera ressentir des choses. En plus de parler, mine de rien, de problèmes tabous, comme la violence scolaire, la violence verbale au travail, les problèmes sexuels, et les apparences. C'est Julien Sévéon qui le dit dans un document passionnant sur le second DVD. Les apparences trompeuses sont une marque de fabrique du mangaka YAMAMOTO Hideo, et ici MIIKE le montre brillamment. Entre KAKIHARA le balafré et Ichi le calme, presque soumis, le plus dangereux, le plus taré, n'est pas forcément celui que l'on croit. La fin du film est presque libre d'interprétation, mais si vous réfléchissez un peu, elle devrait vous convenir. Moi j'adore, tout en vous avertissant, ce n'est pas un film comme les autres, il nécessite une préparation et surtout de ne pas le juger trop rapidement. J'ai adoré.
@+