Cultivons la curiosité
Une fois de plus, nous allons voir un autre film de John Carpenter en ce samedi. Cette fois-ci, c'est "Invasion Los Angeles" de 1988. Vu en VOSTFr et dans sa version restaurée. Un film qui m'avait fait découvrir le cinéma fantastique lors de sa diffusion à la télévision dans les années 90. Un film fascinant par son propos, brulot incroyable contre le capitalisme. Si ce film fût diffusé dans le cinéma de ma ville, c'était grâce à l'association Panorama qui profita du salon du jeu et de l'imaginaire organisé par l'association Le Temps des Chimères fin mars. En profitant pour faire un concours de courts-métrages qui furent diffusés avant la programmation du film que nous voyons aujourd'hui, et qui avait pour thème le "style John Carpenter". Un concours sympathique, même si on peut regretter le côté semi-professionnel des œuvres (malgré le fait que certaines furent conçues "à l'arrache" selon leurs auteurs). Peu importe, car nous voilà donc devant ce film qui fait suite à l'échec de "Jack Burton", et sorti juste après "Le Prince des ténèbres".
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Après l'échec de son gros film, John Carpenter est dégoûté du cinéma, ou du manque de reconnaissance de son cinéma. Il va donc retourner en indépendant, obtenir un budget famélique pour 2 films. "Invasion Los Angeles" et "Le Prince des ténèbres" donc. Ici, il va lâcher les chevaux et balancer toute sa haine des costards cravates sur grand écran.
Du coup, on se retrouve avec John (Roddy Piper) qui arrive à Los Angeles avec son baluchon. Il a certainement entendu parler du besoin de main d'œuvre dans une ville en pleine expansion, car après avoir vu la finance lui faire perdre son emploi dans son ancienne ville, il tente d'obtenir un travail de bureau en vain. Ce sont donc ses muscles (et ses outils) qu'il mettra au service du BTP.
Sur le chantier, notre héros rencontre Franck, qui lui propose de le rejoindre dans son taudis, un campement improvisé non loin d'un église, et qui s'organise sous forme de communauté. Et il se trouve que des allers et retours bizarres arrivent dans cette église. C'est là que le héros va découvrir que c'est un camouflet, et que le lieu pieu cache en vérité une forme de résistance contre un mal dont on ignore tout pour le moment.
Par un heureux hasard, John va tomber sur des lunettes de Soleil à la particularité étonnante. Elles annihilent un filtre qui permet à des extra-terrestres de se cacher parmi les humains. Ces lunettes révèlent aussi des messages subliminaux, qui se répandent via la télévision, les publicités et les journaux. Ces messages disent de rester sage, d'obéir, de ne pas contredire les autorités. Bref, d'être un bon petit mouton consumériste.
Ceci aura pour conséquence de pousser l'humanité à la surconsommation, ce qui permettrait de modifier l'atmosphère Terrestre (via le réchauffement climatique) afin que nos envahisseurs puissent vivre en paix. Notre héros va tout tenter pour aider la résistance, à commencer par montrer sa découverte à Franck, et ce, malgré le fait qu'il soit accusé de multiples homicides.
Comment dire. Ici, il n'y a pas de place à la subtilité. Après une présentation très longue et lente des personnages, on plonge enfin dans la critique acerbe du capitalisme. Dès lors, et après un temps d'adaptation, histoire de digérer la nouvelle, le héros n'hésitera pas et mitraillera tout ces putains d'aliens. Oui, j'emploie volontairement une injure, car on retrouve ici le côté bourrin d'un Duke Nukem, le personnage de jeu vidéo, gros bras et un peu beauf. Si, dans le film, il y a moins de sexisme, on retrouve l'aspect "sans questions" du héros. Moi voir méchants pas beaux (ou méchantes pas belles), moi tuer elles/eux.
Comment ne pas être encore plus choqué de nos jour, devant la scène où le héros débarque dans une banque, et commence à buter toutes les personnes que les lunettes lui montrent comme belliqueuses. C'est proche, très, trop proche même, du terrorisme. C'est encore plus saisissant dans la scène finale de l'assaut de la chaîne de télévision. Des couloirs, de l'abattage de masse. Oui, là, on pense aux nombreuses fusillades étasuniennes ayant lieu dans les écoles.
Mais peu importe vu que ce sont des putains d'aliens. Le film atteint péniblement les 90 minutes, et malgré un début lent, donne l'impression qu'il s'est passé une tonne de choses. Le passage le plus sympathique restant la découverte du "vrai" monde, dans lequel toutes couleurs a disparu. En fait, c'est le quotidien de nombreuses personnes, qui vont au travail en se plaignant qu'un tel a eu la promotion mais pas eux, ce monde gris dans lequel l'humain n'est qu'une source d'énergie pour réchauffer la planète. Comme "Matrix" des Wachowski en fait. Dans lequel le héros s'éveille dans un monde sombre dominé par les machines.
On pense aussi au concept des "Reptiliens", parfaitement démontré dans la série "V". Ils prennent le pouvoir et se cache parmi nous. Mais bon, cela est une autre histoire. Hormis le côté Science-Fiction, il y a de nombreux passages d'action qui impressionnent. Bon, la scène de baston entre John et Franck est longue, mais longue, presque énervante. Sauf qu'elle fonctionne, vu que l'on se retrouve à avoir mal partout tant les personnages se mettent méchamment sur la tronche. Il y a aussi de nombreuses fusillades. Le tout étant parfaitement orchestré.
Loin d'être un énorme film, "Invasion Los Angeles" marque par son message qui fonctionne encore plus aujourd'hui qu'en 1988. La télévision étant devenue omniprésente, et je ne parle pas des publicités, encore plus efficaces grâce à Internet. Le fossé entre riches et pauvres ne cesse de se creuser, tout comme l'Humanité n'a de cesse de polluer son lieu de vie, et ce, en toute connaissance de cause. Carpenter défonce le capitalisme, mais aussi les médias, bien souvent manipulateurs et de mèche avec les grands pontes. Quand on le découvre jeune, le côté "alien" marque plus que la critique du monde moderne, puis en seconde vision, on comprend le message que veut faire passer le réalisateur (qui écrit le scénario sous le pseudonyme Frank Armitage). C'est limite si il ne nous dit pas de prendre les armes et de se rebeller. Le seul défaut vient de cette image de terroriste que se coltine John en mitraillant sans réfléchir quiconque a une sale gueule (à travers ses lunettes), ça, ça passe mal aujourd'hui. Cependant, le reste du film reste captivant. Un film à voir au moins une fois pour son message. J'ai adoré.
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