Cultivons la curiosité
HÔJÔ Tsukasa, créateur de "City Hunter", a offert une suite "officieuse" aux aventures de Ryo Saeba et Kaori Makimura à travers "Angel Heart". Une suite qui pouvait frustrer quelque peu les fans, vu que Kaori meurt d'entrée. Alors quand en 2017 est annoncée une renaissance de la série, approuvée par le mangaka lui-même, les fans devinrent impatient.e.s de retrouver Kaori, Ryo, et tout le monde, dans un manga confié à NISHIKI Sokura.
En France, ce n'est pas chez Panini manga qu'il faut se tourner, mais bien Ki-Oon Shônen. Et ceci aura son importance concernant la traduction. Car le manga reste Seinen au Japon. Mais pas en France. Du coup, le spectre du Club Dorothée et sa censure rigolote mais violente revient. Surtout que, comme vous avez pu le constater, je viens de finir la série originale récemment.
Mais avant tout, parlons de l'histoire. Kaori est une femme célibataire qui vient de célébrer ses 40 ans. Elle continue de dévorer le manga de sa jeunesse. "City Hunter" met en effet en scène des beaux hommes courageux, ainsi que des femmes fortes. Ce qui l'attire depuis qu'elle a découvert cette série via son frère. Moquée quand elle était étudiante, elle n'a jamais su s'affirmer et préfère fuir dans un monde rêvé en compagnie de Ryo et Kaori, sa partenaire de prénom pour le coup.
Un jour, alors qu'elle rentre de son boulot ingrat d'intérimaire, elle se fera involontairement bousculer dans le métro. Alors que l'on devine sa mort inexorable sous la rame du train, elle ne ressent aucune douleur. Kaori se réveille naturellement. Cependant, ce n'est pas à l'hôpital, dans une ambulance ou même chez elle. Elle se réveille sur le quai du métro. Elle porte des habits d'écolière. Mieux, elle a retrouvé son physique de jeunesse. Plus de rides, de jolis cheveux.
Cependant, si elle pense avoir remonté le temps, elle s'apercevra rapidement qu'en fait elle a atterri dans le monde de "City Hunter". Comble du bonheur, elle sera recueillie par Kaori et Ryo. Mais comment leur expliquer qu'elle sait tout d'eux. Le vrai nom de City Hunter, plus tard celui d'Umibozû. Si elle joue la carte de la perte de mémoire, Ryo se méfie tout de même de cette écolière de 17 ans qui semble savoir beaucoup de chose sur elle.
Ainsi, Kaori, qui se renomme Saori pour éviter toute confusion avec mademoiselle Makimura, va se retrouver propulsée dans les aventures du célèbre étalon de Shinjuku. Et la première histoire sera celle de la demande en mariage de Miki auprès d'Umibozû. Moment durant lequel Miki doit arriver à atteindre Ryo afin d'obtenir les faveurs de Umi.
Si on peut penser que niveau scénario, ce n'est pas folichon, HÔJÔ (qui scénarise) s'amuse à implanter des petits changements. Ainsi, on verra un peu l'envers du décor. Comment Kaori place ses pièges, les petites attentions qu'elle a pour Ryo, et son café obligatoirement moulu. Le tout est très bien trouvé, et même si on se doute que l'auteur va tout faire pour retomber sur ses pattes, ça fonctionne. L'ajout de Saori/Kaori, qui est en quelque sorte comme la lectrice ou le lecteur, est plaisant. Mieux, ça implique encore plus cette dernière ou ce dernier. On se rappelle toutes et tous quand Ryo arrive à briser une poutre du Cat's Eye avec son pouvoir mokkori. Ici, c'est très rapidement montré, comme si il fallait obligatoirement avoir lu la série pour comprendre.
Pourtant, si vous n'avez pas lu la série originale, tout est assez bien expliqué pour suivre l'histoire. Vous ne vous direz pas "ah oui, je me souviens" (comme les personnes connaissant la série), mais vous apprécierez, à n'en pas douter, l'humour présent. Ainsi que la "féminisation" du récit, très plaisante. On se sent plus proche de Kaori que de Ryo. Ce qui n'empêchera pas ce dernier de s'illustrer avec ses "envies de faire caca" ou son mokkori. Ce terme, qui désigne le bruit de son érection, est ici traduit en un "coucou" des plus horrible à lire. J'ignore si en japonais le terme mokkori disparaît aussi, mais ça pique les yeux. Pourtant, on continue de se marrer malgré tout. Ainsi,les commentaires de Saori/Kaori sont excellents, genre elle voit le gros oiseau de Ryo (par un pur hasard) et déclare "ne pas souvenir d'autant de détails".
Si la traduction (à moins que ce ne soit aussi le cas en japonais) déçoit, le dessin... comment dire... surprend. Beaucoup plus fin, ce dernier semble plus proche du Shôjô que du Shônen ou Seinen. Nous sommes loin, très loin de la qualité parfaite du dessin de HÔJÔ. Je ne vous raconte pas mon choc lorsque Saeko fait une apparition. On dirait Galy dans "Gunnm". Le même style de trait. Les premières pages, en couleurs, reprennent une scène culte de la fin de la série originale. On dirait, avec ses angles bizarres, ses personnages en larmes, et ses visages longiformes, un manga à l'eau de rose. Ceci dès le début. Si ce n'est pas laid, ça surprend énormément.
Ce qui m'étonne le plus c'est qu'en vérité, le dessin a beau être bizarre, on l'oublie rapidement. Certains angles dans les cases paraissent aussi bizarres. Les visages de 3/4 face notamment. Ça donne une impression surprenante et inédite dans un manga nommé City Hunter. Mais si on oublie le côté étonnant des dessins, c'est parce que NISHIKI reprend les codes du manga. Les massues de 100 Tonnes. Les postures, les réactions. Nous sommes malgré tout en terrain connu. De plus, retrouver une histoire connue, sous un autre angle, avec comme élément nouveau Saori/Kaori, offre assez de nouveauté pour suivre avec attention le récit. C'est bien simple, à la fin du tome on se dit "déjà ? ". Preuve de la grande qualité du manga.
Une fois passée la surprise d'un dessin pas à la hauteur de HÔJÔ, mais efficace tout de même, une fois passé la déception d'une traduction oubliant ce qui existe, à moins que ceci soit aussi le cas en japonais. Une fois passées ces petites déceptions, on se retrouve face à un manga efficace, qui nous replonge dans "City Hunter" avec ce qu'il faut de fan service pour plaire les lectrices et lecteurs de la première heure. Tandis que les autres découvriront l'humour pipi-caca-coucou, mais aussi le côté sérieux de "City Hunter". J'ai cru que ce serait un peu comme pour "Comment je me suis réincarné en Yamcha - Dragon Ball Extra", à savoir une histoire courte et sympathique mais dans l'univers créé par HÔJÔ Tsukasa. Or il existe 4 tomes au Japon (3 chez nous), et la série est en cours. Nous verrons bien ce que cela donne avec le tome 2. Un manga surprenant, que l'on connaisse ou non "City Hunter". Avec des défauts qui peuvent être virulents pour les fans, mais que l'on arrive à surpasser tant c'est passionnant et sympathique de retrouver ces personnages. J'ai aimé.
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