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Cultivons la curiosité

Joker

Joker

Voilà l'exemple même du film que je ne désirais pas voir lorsque sa bande-annonce est sortie. Pourtant, depuis que Warner a laissé tomber le DC Universe, et donc la confrontation avec Marvel, je trouvais les films réussis. "Aquaman" et "Shazam!" étaient rigolos et ne s'inscrivaient pas obligatoirement dans un univers cohérent. Du coup, l'annonce d'un film centré sur l'antagoniste de Batman avait tout pour être alléchant. Cast au top, ambiance dingue parfaitement retranscrite, malgré tout, un truc me chiffonnait. Ce n'était pas pas monsieur Todd "Very Bad Trip" Phillips au commande qui me gênait. Je ne sais pas, un truc malsain et assez pauvre, digne du mauvais "Suicide Squad" semblait se mettre en place.

Pourtant, j'aime l'ambiance sombre offerte par Zack Snyder à Gotham, Metropolis et DC en général. Du coup, c'est plus le principe de voir un film surprenant qui m'a poussé en salle. Le fait que pas mal de personne l'ait apprécié aussi. Niveau critique ou public. Le film fait débat. Et il y a de quoi, car après la bande annonce en VOSTFr (façon dont j'ai vu ce film), nous verrons que le scénario nous plongera dans autre chose qu'un film de super héros.

Vidéo de Warner Bros. France

Le film s'ouvre sur une Gotham City en proie à une grève des éboueurs. La ville devient salle, les rats s'installent, et les pauvres semblent plus pauvres que jamais alors que l'élite va se battre pour devenir maire. Arthur Fleck gagne sa vie comme clown chargé de diverses missions. Alors qu'il doit faire l'homme pancarte pour attirer des clients dans une boutique en cessation d'activité, Arthur se fait voler sa pancarte par des jeunes. Ces derniers n'hésitent pas à le piéger afin de le rouer de coups. Ainsi va la vie dans les bas fonds de Gotham.

Arthur a un handicap. Suite à problème de fonctionnement, son cerveau peut provoquer des fous rires incontrôlables. De plus il prend des médicaments afin de retrouver une vie civile classique après son passage à l'asile. Heureusement il voit fréquemment une personne qui juge son état et lui offre une ordonnance pour ses médicaments.

Malgré sa vie pourrie, Arthur a un leitmotiv enseigné par sa maman, faire rire le monde. D'ailleurs elle le surnomme "Happy". Il essaie donc de toujours voir le bon côté des choses et de sourire à la vie. Dans une Gotham en train de sombrer, dont un certain Thomas Wayne brigue un mandat de maire, Arthur voit en Murray un brin de joie. L'animateur d'un show connu à la télévision inspire notre héros. Il veut faire comique, afin d'apporter de la bonne humeur aux gens.

Une série d'événements va faire basculer la vie d'Arthur dans une spirale négative. Pourtant, il va y trouver un plaisir qu'il n'avait jamais ressenti. Il va se rendre compte que vivre dans le chaos, et même le provoquer, est drôle. Alors qu'un soir il rentre en métro, il va assassiner trois cadres de l'entreprise de Wayne. Dès lors, la population pauvre va prendre cette acte comme le début de la rébellion, et cette assassin au masque de clown (le portrait du meurtrier est assez flou) va propager le chaos. Comme une étincelle enflammant un peuple exploité et au bord de la rupture.

Pendant 2 heures, nous suivons exclusivement le parcours de Arthur Fleck. Disons le tout de suite, sans Joaquin Phoenix le film serait une plaie. L'acteur porte le film à lui tout seul. Et si le scénario s'offre des surprises, il reste prévisible et classique. Seule la musique de Hildur Guõnadóttir est aussi marquante que l'interprétation de l'acteur principal. À base de violoncelle, on oscille entre horreur et musique plus douce. J'ai pensé à un mélange entre les musiques de "Unravel" avec l'ambiance de "Little Nightmares". Si vous n'avez pas fait ces deux jeux, vous ne comprendrez pas mon ressenti. Mais sachez que la musique accentue le côté, non pas dérangeant, mais surprenant du film. Elle pose une ambiance violente sans choquer. C'est ainsi que l'on peut définir le mieux ce film. Un film violent, mais qui ne choque pas.

L'interprétation de Joaquin Phoenix fait que l'on s'attache à ce personnage qui lutte contre sa maladie mentale. Il n'y a qu'à le voir en train d'essayer de retenir son rire, car il veut se fondre dans la masse. Et alors que la société va commencer à le lâcher (son aide psychologique est virée, faute de fond), et que son milieu familial n'est pas aussi sain qu'il l'aurait cru, Arthur va découvrir ce qui lui plait le plus. Il ne doit pas retenir son rire, mais l'écouter. Ainsi, il retire une satisfaction, un bonheur même, de certaines actions pourtant illégales.

"Joker" n'a rien d'un film de héros. Il est d'un réalisme saisissant. Pire, il se paye le luxe d'avoir un écho, une résonance, à travers les différentes manifestations arrivant partout dans le monde. On pensera forcément au mouvement récent des gilets jaunes en France. Où les gens travaillant ne supportent plus cette "élite" politique et/ou riche. Le pire étant que je me suis plutôt reconnu sur certains points en Arthur. C'est très difficile à encaisser, mais quand tu constates que le fait qu'il tue 3 cadres bien fringués qui s'amusaient à faire les lourds avec une femme, quand tu constates que cette scène, ultra violente, te rends heureux, que tu sors un "bien fait pour eux", tu te poses des questions sur ton propre état mental. J'ignore si c'est ce que le réalisateur (qui co-scénarise avec Scott Silver ce film) veut te faire ressentir, ou si c'est juste que tu es fou.

Le fait qu'il soit seul, en décalage sur les moments importants où rire. Qu'il aime des choses "bizarres". Bref, si je ne me reconnais pas à 100% en lui, j'avoue avoir trouvé des similitudes entre ma vie et la sienne. Et ça, ça te fais sortir tout con de la séance. C'est pourquoi je pense que ce film m'a plus marqué que la normale. Ce n'est pas tout le monde qui abondera et prendra partie pour le futur Joker. D'ailleurs le film divise. Et c'est une bonne chose je pense. Je n'aurais jamais cru me retrouver à me poser des questions existentielles à la suite de cette vision. Le film marque, que ce soit en bien ou en mal. Le final apocalyptique est grandiose.

Pas, ou peu d'humour, pas d'action, ou si peu. Ce film a tout du film d'auteur chiant que l'on veut fuir. Pourtant, son scénario, classique certes, mais réaliste (et actuel malgré une époque antérieure à la nôtre), et surtout son interprète, rendent le tout séduisant, et passionnant à suivre. On oublie rapidement que nous sommes dans l'univers de Batman. Seuls des noms viennent nous indiquer que nous sommes bien à Gotham. Wayne notamment. La ville ressemble plus à la New York crade des années 80 qu'à toutes autres villes, pourtant elle parlera à chacun de nous. Avec cette élite politique, les médias aussi, présents à travers un personnage de Murray (Robert De Niro) arrogant et qui offre un face à face final intense.

Bref, il faut que je m'arrête, sinon je vais tout révéler, et ce serait dommage. Même si vous allez vous dire lors de certaines scènes "ah bah oui, bien sûr, ils nous sortent ça", comme si nous étions déçu de trouver une énième fois la mort des parents de Bruce Wayne dans une œuvre DC. Pourtant, tout ici est cohérent, puissant et réaliste. Ce film est à voir si vous aimez l'univers de Batman. Le pire étant que si vous aimez les grandes prestations d'acteurs et d'actrices (quel plaisir de retrouver Frances Conroy après "Six Feet Under"), ce film peut vous mener vers l'univers fantastique de DC. En fait, les spectatrices et spectateurs qui seront le plus déçu.e.s seront les fanatiques de Marvel et des films funs et divertissants. Ici, il n'y a rien de drôle, rien de divertissant. Pourtant, le film est brillamment bien réalisé, mis en musique et interprété. J'ai adoré, me retrouvant conquis pour des raisons qui sont purement subjectives. Un film qui ne sera pas apprécié par toutes et tous. Si vous y allez pour voir le Joker rire et semer le chaos, n'y allez pas. C'est pourtant ce qu'il fera, mais nous sommes plus en face d'un homme qui découvre une passion macabre, et se retrouve propulsé comme une icône du combat mené par les pauvres contre les riches. Argh, ce film raconte trop de chose. Je l'estime à voir au moins une fois, histoire de se faire une idée, mais attention, il est spécial.

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