Cultivons la curiosité
Débuter une série de manga sans savoir si elle s'achèvera un jour est toujours délicat. Mais mon amour de SAKUISHI Harold est trop fort pour ne pas débuter comme il se doit "7 Shakespeares". Seulement 6 tomes de parus, entre 2010 et 2011 (au Japon, ajoutez +2 ans pour la France). La série est pourtant toujours en cours. L'auteur des excellents "Beck" et "RiN" lance donc cette série entre les deux œuvres citées.
Vous le savez sans doute, mais j'adore son dessin, son trait, ses personnages touchants, drôles, et humains. C'est con à dire, mais c'est ainsi. "7 Shakespeares" débute dans une Angleterre du XVIè siècle soumise à la royauté. Les spectacles vivants (le théâtre notamment) y sont mal vus, pourtant ceci n'empêche pas l'ascension d'un auteur particulièrement doué. William Shakespeare. Et alors que le tout premier chapitre nous explique un peu la situation, le "Prologue" se clôt par un coup de théâtre sans précédent.
Dont nous ne connaîtrons pas la fin dans ce tome. Car nous voilà désormais 13 ans plus tôt, à Liverpool. De nombreux migrants Chinois ont élu domicile ici, créant un quartier nommé Chinatown. Nous apprendrons que les gens ont fuit la Chine pour diverses raisons, dont la famille de Li. En effet, la jeune fille ne cessait n'avoir des visions indiquant le décès de telle ou telle personne. Ce qui lui offrit le surnom de "Déesse Noire". Alors qu'elle se contente juste de voir le futur, les gens imaginent qu'elle lance un mauvais sort.
Ceci contraignit sa famille à fuir ses possessions chinoises pour l'Angleterre. Le navire portugais fût détourné, et la communauté pu s'installer à Liverpool. Pourtant les Anglais.es voient d'un mauvais œil ces gens venus d'ailleurs. Pire, la communauté s'étend peu à peu, créant des tensions en son sein même. On assiste, durant 9 des 10 chapitres de ce premier tome, à la vie à Chinatown. Le lien avec Shakespeare est établit en début du chapitre "Chinatown (1)" et en fin de "Chinatown (9)" qui clôt le tome.
L'histoire de Li est particulièrement touchante, violente, et ne manquera pas de vous arracher une larme lors d'une scène à laquelle je ne suis pas habitué chez SAKUISHI. Comme d'habitude, ses personnages sont expressifs, parfois drôles dans leurs réactions, et Li est magnifique. Un mélange de Maho (du manga "Beck") et de Rin (du manga du même nom). Le peu qu'on le voit, Shakespeare est charismatique et impressionnant. On s'attache immédiatement à ces deux personnages, bien que le dernier cité ne soit pas très présent dans ce premier tome.
J'ignore si les faits sont réellement issus de cette période. Il me semble qu'effectivement le théâtre était mal vu, tout comme les étrangers, donc ça me paraît plausible. On plonge dans cet univers, dans ce quartier, on ressent la tension, surtout à la fin, avec l'orage permanent et le sacrifice à venir. Les derniers chapitres sont à couper le souffle, et on ne pense qu'à lire la suite. L'histoire est finalement sombre, ce qui surprend quand on connaît le mangaka. Mais c'est parfaitement mis en scène, et les émotions sont toujours aussi présentes.
Je crois que c'est la première fois que j'ai eu des larmes de douleur en lisant SAKUISHI. Il faut dire qu'une scène, bien que l'auteur ne montre pas grand chose, est d'une violence incroyable. Un tome étonnant, efficace, aux dessins toujours aussi beaux, provoquant la contemplation du lecteur ou de la lectrice par moment. J'ai énormément aimé, et je regrette de n'avoir que 4 des 6 tomes parus. Ils sont assez gros, ce qui explique leurs prix élevés. Presque 300 pages, soit la taille d'un "20th Century Boys" en édition deluxe. Si vous aimez le style du mangaka, foncez, l'histoire est un peu plus sombre, mais c'est toujours aussi bon à lire. J'ai adoré.
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