Cultivons la curiosité
À l'occasion des 60 ans d'existence du personnage de Gaston Lagaffe, dont de courtes histoires paraîtront en premier lieu dans "Le journal de Spirou" à la fin 1957, les éditions France Loisirs avaient mis à bas pris "Le cas Lagaffe". Le personnage de Franquin, grand scénariste et dessinateur de BD, aura droit à des albums à son nom plus tardivement. Ainsi, j'ai bêtement cru que France Loisirs proposait un regroupement des meilleurs gags de Gaston Lagaffe. Or, il n'en est rien. Vu que c'est tout simplement l'album numéroté 9, paru en 1971, que nous allons voir aujourd'hui.
Comment présenter Gaston. Employé dans une maison d'édition, il est chargé du courrier. Malheureusement, il est quelque peu fainéant, un peu comme "Garfield". Il croit aussi être un inventeur hors pair. Bon, sur ce point nous dirons que c'est l'intention qui compte. Car ses inventions sont systématiquement vouées à l'échec, provoquant des catastrophes souvent à la base des gags de la BD.
Il travaillera au début pour Fantasio, l'ami de Spirou. Ces deux personnages ont été créés eux aussi par André Franquin. Ce qui explique le trait similaire. Plus tard, Gaston sera sous les ordres de Prunelle. Et le gag revenant le plus souvent est le fait que Gaston, involontairement, empêchera la signature de mystérieux contrats entre Prunelle et De Mesmaeker.
Il est le maître d'un mouette et d'un chat. On ignore comment et pourquoi, mais ses deux animaux sont présents au bureau et vont aussi créer des gags. Gaston arrivera toujours à énerver son supérieur, Prunelle lâchant un "Rooouuugnntudjuuu" des plus injurieux comme nous le verrons lors de la dernière planche de ce tome.
Ainsi, dans ce tome 9 (qui n'en porte pas le numéro, la faute au fait que ce soit une édition France Loisirs) voit l'univers de Gaston déjà en place. Il est donc très difficile de débuter par ce cas Lagaffe. Cependant, je connaissais le personnage, étant moi-même un lecteur de cette BD dans ma jeunesse. Je savais qu'il avait une vieille auto ne fonctionnant pas correctement, et dont l'additif inventé par Gaston sera l'introduction en plusieurs planches de ce tome.
Je connaissais aussi la très belle et débordée mademoiselle Jeanne. Rare personnage féminin récurent de la BD, elle est amoureuse de Gaston, voyant en lui sa bonté avant sa paresse. J'avoue que, petit, j'étais aussi un peu amoureux de Jeanne, qui semblait subir les foudres de tous les supérieurs, contrainte de faire plusieurs choses à la fois. Ici aussi ce sera le cas à travers un gag assez sexiste, dans lequel elle perdra sa robe, la faute à Gaston et son cactus.
D'ailleurs, il est vital de bien replacer le contexte de la bande dessinée. Nous sommes en 1971, du coup se moquer de l'accent de gens originaire d'Afrique n'est pas gênant. Aujourd'hui, ça m'a fait bondir. Il y a aussi un léger côté sexiste dans ce tome, vu comment les "hommes" mettent la pression à Jeanne, contrainte de se démener sans que ses derniers ne l'aident. Hormis ces points qui ne passent plus aujourd'hui (et heureusement que ces points sont désormais inadmissibles), je reconnais que c'est toujours efficace.
Entre le fait que Gaston aime les animaux, il n'y a qu'à voir sa réaction quand il emmène un Dindon et que Prunelle veut le manger, qu'il invente des choses marrantes, mais vouées à l'échec, et qu'au final il possède son propre caractère (combien de fois dit-il "sot!" à son supérieur), le personnage est attachant. Prunelle, dans son rôle de personnage qui enrage devant les âneries de Gaston est hilarant lui aussi. On s'attache à tout le monde, et on prend même un malin plaisir à voir De Mesmaeker se faire humilier. L'homme d'affaire, au gros bide, en costard cravate, est une sorte de représentation de ces personnes que l'on ne peut pas apprécier. Ou difficilement du moins. Du coup voir Gaston faire échouer ceci est systématiquement drôle.
Finalement, alors que j'ai cru acheter une sorte de "meilleur de", je me retrouve avec un tome canonique de la série, et j'avoue que j'ai bien envie d'en suivre plus. Dans la fin des années 80, quand tu as moins de 10 ans, c'est forcément drôle, mais je n'aurais pas cru qu'en tant qu'adulte ça fonctionnerait aussi. C'est pourtant le cas. Oui, les automobiles sont anciennes, il y a une idée de la société blanche et patriarcale choquante de nos jours, mais si on arrive à passer outre cela, on se retrouve face à une BD aux gags efficaces. J'ai vraiment bien aimé, et je pense que je vais tâcher de faire l'intégrale au fur et à mesure. Je vous conseille cependant d'en lire quelques passages de différents tomes (en bibliothèque par exemple), histoire de vous faire une idée, car ça peut ne pas plaire à toutes et tous. Moi j'aime bien.
@+
P.S. : J'ai aussi, par mon passé de lecteur de Roba, bien aimé l'allusion au créateur de "Boule & Bill".