Cultivons la curiosité
Revoilà TORIYAMA Akira sur Ashou. Tout comme il me faudra faire la série "Cat's Eye", me voilà en train de remonter le temps, et donc le travail, d'un mangaka que j'apprécie beaucoup. Si pour HOJO Tsukasa, j'ignore encore quand je franchirai le pas, vous constaterez que pour TORIYAMA Akira, ce pas est franchi. En effet, avant de concevoir une des œuvres les plus marquantes du XXè siècle, le mangaka avait fait ses gammes, déjà dans le Shônen Weekly Jump, avec un professeur et sa création.
"Dr Slump" arrive en 1980, et va poser les bases de ce que sera "Dragon Ball". J'ai choisi de ne traiter qu'un tome à la fois, histoire de mieux prendre son temps, quitte à faire des chroniques plus courtes. Glénat nous gratifie ici d'une "Ultimate Edition" dans le même format que la "Perfect Edition" de "Dragon Ball". Le tarif monte un peu, faisant perdre au manga son côté accessible (plus de 10€ le tome), mais en contrepartie, nous avons un format plus grand. Un papier de qualité. Une couverture renforcée, des chapitres en plus par tome. Et surtout des chapitres en couleurs à tomber.
C'est d'ailleurs ainsi que l'on découvre le fameux docteur Slump du titre. Homme célibataire de 28 ans, Senbei Norimaki (de son vrai nom) est en pleine création. On pense forcément à "Gunnm". KISHIRO Yukito a dû s'inspirer du début de "Dr Slump" pour son œuvre mettant en scène Gally et Daisuke Ido. À ce sujet, il est vital de replacer le manga dans son contexte temporel. Ceci ne veut rien dire. Ayez bien en tête que la série est sortie en 1980, c'est important. Car, comme je viens de le faire, vous allez vous dire "bah, j'ai vu ça là". Du coup, TORIYAMA a tellement influencé ce que l'on nomme la pop culture, que vous aurez certainement une impression de déjà-vu.
Donc, Senbei créé un petit androïde de sexe féminin. Il la nomme Aralé, et lui offre un look de fille de 13 ans. Elle va donc devoir s'intégrer à la vie du village Pingouin, sans jamais révéler sa vraie nature. Elle va devenir amie avec Akané, une jeune fille de son "âge", rebelle, voire Punk, ce personnage va surprendre, et même choquer. Quand elle annonce s'être pris une murge notamment. L'humour est parfois délicat, surtout 40 ans après.
Aralé aura aussi Taro et Pisuke Soromame en amis. Ainsi, nous découvrons la vie de ce village paisible, qui va être quelque peu mouvementé suite à l'arrivée d'Aralé. La Police locale en fera de nombreuses fois les frais. TORIYAMA s'amuse déjà à casser le quatrième mur, n'hésitant pas à montrer ses personnages s'adressant aux lectrices et lecteurs. On constate une certaine lucidité quand à leur condition de personnage de manga. Ceci est plaisant je trouve.
De plus, les références pullulent. En premier lieux celles de Gojira et Gamera. Quel immense kiffe de voir les deux Kaiju fréquemment cités. De plus Aralé s'amuse à nommer une petite tortue Gamera, et un lézard Godzilla. On verra aussi une allusion marrante à Coca Cola, dont l'utilisation d'une canette est surprenante. J'avais entendu dire que la série était très portée sur l'humour pipi-caca, et que cela en devenait lourd. Or, dans ce premier tome, ça passe. On sent l'humour simple et enfantin, et les blagues sur le caca arrivent à la fin de ce premier tome, mais ça passe.
Comme quand Aralé indique être toute lisse, et que cela gêne les autres. Norimaki pense immédiatement au sexe de sa création. La façon de censurer le mot vagin est hilarante et bien trouvée. La chute du chapitre est étonnante, et montre que l'on a toutes et tous l'esprit mal placé. La blague scatophile atteint un paroxysme avec le chapitre bonus. Une mouche arrivant sur Terre suite à la demande de Superman (qui est présent rapidement le long de ce tome). Le chapitre n'est pas foufou, ça reste un bonus. Le visage hyper sérieux de la mouche rend le tout drôle.
D'ailleurs, TORIYAMA s'offre des vignettes magnifiques, avec des visages sérieux absolument à tomber. La chose qui surprend aussi dans son design, c'est que les femmes et filles ne ressemblent pas trop à ce qu'il fera sur "Dragon Ball". Les personnages féminins restent mignons et beaux, mais beaucoup plus réalistes (attention, ceci est relatif, à comparer avec "Dragon Ball"). On y retrouve déjà des personnages expressifs et délirants, comme un cochon, ou l'auteur lui-même, qui se représente comme un oiseau.
Par contre, il subsiste un défaut. Par moment, le changement de planche perd. On tourne la page, et on se demande si on n'a pas loupé un truc. La découpe perd parfois. Ceci est certainement un défaut de jeunesse, mais ça déstabilise au début.
Le dessin est déjà top (magnifié dans cette "Ultimate Edition"), les aventures sont rigolotes, parfois choquantes, surtout quand Akané indique avoir pris une murge la veille. Mais dans l'ensemble, je suis surpris. Est-ce l'effet Gamera - Godzilla ? Je l'ignore. En tout cas j'ai aimé parcourir ce premier tome, de toute beauté. Aralé est attachante, et Senbei joue à la perfection le célibataire frustré qui découvre ce qu'est la paternité. Ce tome nous offre une gentille découverte de la vie, mais aussi un voyage dans le temps (duquel revient Gatchan), et pas mal de péripéties gentilles, que j'ai adoré découvrir. Un manga à essayer.
@+