Kung Pow

Qui n'a jamais joué, petit ou grand, à couper le son de sa télé et refaire le doublage d'une œuvre ou émission de télé ? Qui n'a jamais, peut être plus rarement, zappé et fait une sorte de montage improbable, toujours en effectuant soi-même le doublage ? C'est vrai que de nos jours, il est plus facile de le faire réellement, en prenant des vidéos sur internet, en enregistrant sa voix, puis en faisant un vrai montage.

Qui n'a jamais remarqué une différence de scène dans certains films ? Surtout ceux des années 60-70, plus particulièrement Chinois et Hongkongais. En effet, ce que l'on nomme les "stock shots" pouvaient se retrouver dans plusieurs films. Voir carrément avoir des croisements improbables.

Qui n'a jamais voulu se moquer gentiment de certains films, que l'on aime, mais qui par moment nous paraissent un peu ridicules ? Parodier un genre ou une scène est en partie utilisé par les comiques. On pense aux Inconnus ou Les Nuls en France, qui, à travers certains sketchs, parodiaient "Bioman" ou "Miami Vice"/"Deux Flics à Miami".

Qui n'a jamais penser à réunir ces trois particularités dans un même film, afin d'en sortir une œuvre décalée, au contenu à prendre au second degré ? Steve Oedekerk est plus connu pour ses participations aux scénarii de "Le Professeur Foldingue", "Bruce tout-puissant", "Evan tout-puissant" et même "Cowboys et Envahisseurs". Il est moins connu comme acteur ou réalisateur. Pourtant, en 2002, il jouera, scénarisera, produira et réalisera "Kung Pow : Enter the Fist" de son titre étasunien.

Steve Oedekerk décide de prendre un film de Hong Kong, "Tiger and Crane" de 1976, et, à travers un redoublage et remontage tout en y ajoutant quelques scènes, d'offrir un divertissement détonant, qui parodie les films que vous connaissez certainement si vous aimez Jackie Chan. Ceci nous donne donc un film de 78 minutes, qui n'aura de cesse de provoquer l'hilarité des (télé)spectateurs et (télé)spectatrices.

L'histoire n'est pas si simple que cela, mais avant toute chose, si vous décidez de voir ce film, il faut clairement le prendre au second degré, voir plus. Ce sera délirant du début à la fin, le doublage est volontairement décalé, mal fait, avec des voix poussées. Steve Oedekerk se charge des voix de la plupart des personnages. En France, nous aurons Patrick Mancini, Jérôme Keen, Gilbert Levy et Audrey Sourdive. C'est très important de rentrer dans le film en se disant que ça sera n'importe quoi. Pour exemple, L'Élu affrontera une vache en combat singulier. Si ceci vous rebute, ne lancer pas ce film.

Et le film commence fort. Par la naissance d'un bébé, dans une petite maison. Un homme qui paraît dangereux a eu vent de cette naissance. Malgré la volonté de le protéger en cachant le nouveau-né, celui-ci est découvert par Maître Méchant. Oui, c'est son nom français. Bon, après, dans une scène pleine d'émotion, il demandera à être nommé "Betty", mais c'est pour plus tard. En attendant, après avoir massacré la famille du bébé, Maître Méchant se charge de constater que le nourrisson est bien L'Élu. C'est le cas. Il lui faut le tuer. Seulement, le bébé sait se défendre. Il est né il y a 10 minutes, et il pratique le Kung-Fu comme personne. Après une lutte intense, qui finira par la fuite de l'Élu.

C'est simple, si lors de cette scène introductive vous n'adhérez pas, il vaut mieux que vous arrêtiez le film. Car ça ira de pis en pis. L'Élu est plus âgé, il a affronté moult adversaires afin de parfaire sa technique innée. Il recherche toujours Maître Méchant, et nous retrouvons notre héros au moment où sa quête s'en rapproche. Nous rencontrerons Maître Tang, la belle Whoa et Ling. Et nous verrons Maître Méchant faire un massacre juste par plaisir, avant de se concentrer sur la traque de l'Élu. Pour un final incroyable qui verra apparaître un peuple que nous connaissons bien, vu qu'en version française (VF) ou version originale (VO), ce sont des Français qui forment l'ordre malfaisant, le conseil dont j'ai paumé le nom. Leur moyen de locomotion est étonnant d'ailleurs. Mais je vous laisse le découvrir.

Je ne m'attarde pas trop sur le déroulé du film, vu qu'il est assez proche d'un film d'action de Hong Kong, avec un héros qui va devoir vaincre une entité malfaisante, en accomplissant sa vengeance. Un méchant vraiment méchant, un héros héroïque, bref, vous voyez le topo. Le scénario en lui-même est juste une histoire de vengeance donc.

Le vrai gros intérêt du film est l'implantation d'éléments modernes dans un film de 1976. Le précédé pour intégrer Steve Oedekerk est bluffant, certes visible en 2020, mais ça participe au charme du film je trouve. Le redoublage peut paraître too much, abusé. Que ce soit en VO ou VF, il est volontairement mal fait, le plus flagrant restant l'aboiement du chien, qui se décale de plus en plus. Ce doublage fonctionne si on joue le jeu de se dire que ça sera mauvais. Les voix françaises sont excellentes, et on repense au doublage en roue libre des animes japonais des années 90 qui étaient diffusés au Club Dorothée. Jérôme Keen, qui joue Betty, le méchant, est juste mémorable. Il n'hésite pas à en rajouter, avec des petits rires ridicules. Patrick Mancini aussi s'en sort bien, mais on ne sent pas "l'ajout" comique qu'apporte Jérôme Keen à son rôle. Pour vous donner une idée du doublage, regardez donc l'extrait qui arrive, dans lequel on apprend que Betty est magicien.

Vidéo de KackLetueur23

Voilà donc ce que ça donne. Personnellement, je trouve ça hilarant. Après, c'est à vous de juger si ça vous fait rire ou non. Car le doublage est ainsi tout le long du film. Mais il n'y a pas que sur ce point que le film est drôle. Le remontage offre parfois des situations comiques, comme quand le réalisateur utilise plusieurs fois la même scène quand la plupart des personnages meurent les uns après les autres. On va revoir 3 boucles pour le coup, doublées différemment, et ça crée un effet comique plutôt bien trouvé. La scène que vous venez de voir est aussi un remontage, de 2 scènes différentes, d'où la "magie" de Betty.

Reste le dernier point, celui qui peut être interprété de différente manière. Celui des effets spéciaux. Non pas pour intégrer Steve Oedekerk au film de 1976, ceux-ci fonctionnent bien je trouve, on nous en explique le principe dans un petit making of du DVD d'ailleurs. Non, le coup de la vache. Là, on peut se dire qu'après tout, pour un film de Kung Fu de 1976, les effets spéciaux sont avant-gardistes. En 2020 ils sont mauvais. Après il y a deux écoles. Celles et ceux qui diront que ça participe au charme du film, à la pauvreté des effets, et que ça renforce le côté comique. Puis il y a celles et ceux, comme moi, qui estiment que la scène ne sert à rien dans le film. Juste à faire joli dans la bande annonce, et encore. Le film est très drôle sans ce combat. En plus, ce dernier dure une plombe. Je n'ai pas du tout aimé ce passage, mais il pourra plaire à d'autre.

Et en terme d'effets spéciaux numériques ratés, nous avons évidemment l'introduction, avec un bébé flippant, qui oscille entre poupée et bébé généré par ordinateur. Ça pique franchement les yeux. Nous verrons plus en détail la préparation du combat contre la vache dans les bonus du DVD. Bonus qui offrent des scènes inédites dont une baston de l'Élu avec son zizi en érection. La scène est à la fois hilarante et gênante.

Le film se paye le luxe d'introduire une suite qui ne verra jamais le jour. Ce qui n'est pas plus mal vu qu'avoir une suite aurait pu lasser. Ce qui n'est pas le cas de "Kung Pow". Pour peu que l'on se dise que le film est délirant, et qu'il est à prendre au second degré, on passe un excellent moment. Après, il faut accrocher, c'est vrai. Même si je trouve la scène faible, si l'idée de voir une vache affronter le héros vous effraie, ce film n'est pas pour vous. Si un doublage parfait est impératif pour vous (VF ou VO), ce film n'est pas pour vous. Par contre, si vous avez encore votre âme d'enfant qui s'amuse à refaire les doublages, à fabriquer un film en zappant, ou à parodier les scènes des films marquants, ce film est pour vous. C'est un grand délire, que j'ai beaucoup aimé. Les effets sont datés, mais ne choquent pas dans le film. À voir je pense.

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