Cultivons la curiosité
En 2021, David Marsais et Grégoire Ludig ont été les têtes d'affiche du dernier film de Quentin Dupieux. "Mandibules" était complétement fou, à la Dupieux, et m'avait fortement plu. Ce qui était moins le cas du premier passage du Palmashow au cinéma. Premier et unique film du Palmashow jusqu'en 2022 (écrit par le duo Marsais-Ludig et mis en scène par Jonathan Barré), "La folle histoire de Max et Léon" n'était pas mauvais, juste un peu trop simple. Puis vouloir renouer avec les grandes comédies françaises sur la seconde guerre mondiale, ce n'était peut-être pas le bon choix.
Reste que ce n'est pas pour autant que le duo/trio (Jonathan Barré étant le réalisateur attitré des sketchs du Palmashow) abandonna le cinéma. Et c'est donc le 9 février 2022 qu'ils reviennent dans les salles obscures. Dont je vous laisse le soin de découvrir une bande annonce qui en révèle un peu trop à mon goût.
Vidéo de Palmashow
Daniel (Grégoire Ludig) et Stéphane (David Marsais) travaillent pour un magasin d'électro-ménager. Le premier est là en contrat à durée déterminée, histoire de vivre, tandis que le second est là pour devenir manager. Ce qu'il sera sous peu. Nous les découvrons alors qu'ils se "battent" pour savoir ce qu'il faut diffuser sur les télévisions du magasin. Daniel voulant des clips, tandis que Stéphane préfère sa vidéo auto-promotionnelle de sa plancha, en vente en rayon.
On devine ainsi aisément leurs caractères antagonistes, Daniel étant brutal et franc, tandis que Stéphane est plus timoré, mais ne se laisse pas marcher dessus pour autant. On découvrira au fur et à mesure de l'histoire, les galères financières dans lesquelles chacun est. Le premier étant sans le sous, contraint de payer les frais de successions pour conserver sa maison. Sa sœur, déprimée, mère solo d'un ado fan de rap, ne peut pas non plus régler ces frais. Le second aime les crédits, et la technologie. Et se voit contraint d'héberger son père car il ne peut plus régler les frais de l'EHPAD.
Seulement, Stéphane est une sorte de génie des prix. Et un passage à l'émission "Le prix à tout prix", animée par Fred Costa (Damien Gillard) pourrait éponger leurs dettes respectives. Ce qu'il reste à savoir est, arriveront-ils à s'entendre afin de gagner le premier prix ?
Ici, pendant environ 1h40, nous allons plonger dans une société simple. Voire naïve. Daniel a vu son rêve de devenir une star de la chanson s'envoler après les nombreuses moqueries de sa mère. Stéphane n'a jamais eu d'amis, et s'est réfugié dans la "collection". Il achète des tas de trucs, à crédit, et espère toujours devenir manager. Pour cela il n'hésite pas à fermer le magasin tard, être volontaire pour faire l'inventaire, etc...
On retrouve toute la clique du Palmashow. Surtout Julien Pestel, qui explose ici en producteur sans scrupules du nom de Blaise Petit. En effet, pour relancer l'audimat, il va chercher un nouveau genre de candidat. Un peu stupide et qui en font des caisses. Daniel et Stéphane seront parfaits pour détendre les gens.
Seulement, ce sera aux dépends du duo qui a du mal à se former. Entre mensonges et problèmes personnels à résoudre, il feront équipe tant bien que mal. Mieux, Stéphane encouragera Daniel dans sa carrière de chanteur, allant jusqu'à réaliser un clip.
On ne se cache pas du fait que la chanson est simplette, le clip mauvais. Mais Daniel a vraiment une belle voix, et le fait que le clip fonctionne sur internet, va ré-ouvrir les portes des studios de télévision au deux compères. Car elles se fermeront brutalement quand Daniel découvrira que derrière son image de mec sympa sportif, Fred Costa est un connard arrogant.
D'ailleurs, ce clip servira d'abord de pause rigolade pour toute l'équipe de production des émissions. Ici, nous verront toute l'horreur et la violence du monde médiatique. Blaise disant à son assistante de ne pas les rappeler, c'était hilarant, mais pas au point de les inviter à nouveau sur un plateau (Daniel a pété le nez de Fred Costa quand même).
On sent que Jonathan Barré, Grégoire Ludig et David Marsais ont acquis une grande expérience avec les sketchs. Pour faire des clips, pour parler des médias, mais aussi du monde moderne. Ultra connecté. Certes, on n'échappera pas aux blagues habituelles, qui peuvent gêner. Comme quand les Gendarmes disent d'accord pour boire un verre, mais pas d'alcool, juste des bières. Mais ce qui surprend le plus, c'est que ça fonctionne. Malgré ce côté un peu limite, ça marche.
Daniel n'est pas un personnage que l'on aimera rapidement, il est pourtant très touchant quand il voit que beaucoup de monde aime sa voix. Il y aura pas mal d'arrogance, mais on s'attache vite à lui. Tout comme Stéphane, qui n'arrête pas de se faire manipuler, que ce soit par Daniel, ou ses supérieur.e.s. On y verra aussi le personnage du producteur prêt à tout pour faire de l'audience. Mais aussi cet univers qui n'hésite pas à se moquer ouvertement des gens simples.
On retrouve des moments dignes du Palmashow. Quand Stéphane s'entraîne pour faire un jeu proche de Ninja Warrior, et qu'il dit "Ninjaaaa". Les clips, la façon de parler des ados, les parodies d'émissions télé. Bref, tout est là, et c'est un régal. Mieux, on aura même droit à un vrai questionnement sur la société, notamment celle de divertissement. Que ce soit sur internet ou à la télévision. Avec cette condescendance omniprésente. On n'hésite plus à se marrer du fait que des gens normaux "s'y croient", et à les railler.
On assiste d'ailleurs à une sorte de descente. On passe du côté jovial d'un Daniel qui pète des bouches (littéralement), à un clash inéluctable entre les deux compères malgré eux. Et cette descente, avec une prise de conscience que certes, Daniel est enfin connu, mais il sent que ce n'est pas pour les bonnes raisons. C'est plus par moquerie. La fin montre un monde dans lequel ils n'ont pas vraiment changés, mais ils sont entourés par des personnes ne cherchant pas à se prendre la tête. Pas comme la pseudo "élite" des médias. La renaissance (désolé du spoiler) du bar-restaurant est comme un symbole.
J'ignore comment le dire, mais à travers sa simplicité, le film marque. Certes, je trouve que le fait que l'ultra connecté Stéphane ne pense jamais à enregistrer ce qu'il voit ou entend est surprenant, mais ça peut s'expliquer par le fait que, comme moi, les quarantenaires n'ont pas forcément ce réflexe. On voit les personnages galérer, et même espérer gagner un prix qui leur permettrait de sortir de ce marasme insipide du quotidien.
Comme je l'ai dit, c'est simple, touchant, et drôle. Réjouissant même par moment. La distribution est excellente, les actrices et acteurs étant parfaitement impliqué.e.s, la réalisation fonctionne parfaitement aussi. Aimer l'humour du Palmashow est un plus, mais même sans connaître leurs sketchs, ça marche. Quand on est fan du duo, c'est impeccable. On en peut que rire de ces personnages un peu trop naïfs, qui se font berner par une société se croyant supérieure. Bref, j'ai adoré ce film et vous le conseille grandement. Surtout si vous aimez David Marsais et Grégoire Ludig.
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