Cultivons la curiosité
Avec un nom pareil, on pourrait se dire que la production et les créateurs de cette série doivent posséder une tête en forme de melon. Il faut tout de même reconnaître que la série de Matthieu Rumani et Nicolas Slomka disponible sur Prime Video depuis fin 2024, parle effectivement d'un programme culte. En effet, on nous offre un retour en arrière, il y a bientôt 24 ans, alors que nous n'avons que 6 chaînes sur l'antique réseau hertzien (et encore, Canal+ est plus souvent cryptée qu'en clair). Un évènement important va arriver sur les ondes de la petite chaîne qui monte (ancien surnom de M6).
"Loft Story" a marqué l'arrivée de la télé-réalité sur les ondes françaises. Avec tous les soucis que les révolutions apportent, CSA (ancien nom de l'Arcom) dépassé, annonceurs publicitaires fébriles, inspection du travail sur le dos. Sans parler du fait de devoir produire 1 heure de contenu quotidiennement avec des jeunes de moins de 25 ans qui sont enfermé·e·s dans un loft. "Culte" propose une romanisation de l'arrivée de cette émission en France, et nous allons voir ce que cela donne après la bande annonce.
Vidéo de Amazon Prime Video France
Déjà, la série est assez courte et vite vue. Six épisodes de 45 minutes environ, c'est cool. Et tout débute alors qu'a lieu dans le loft, la fameuse scène de la piscine. Même si vous n'avez pas vécu cela à l'époque (j'étais en première année de BTS personnellement, et je ne parle pas du groupe de KPop), le combo Loft Story et scène de la piscine vous inspire un acte sexuel, où l'on ne voit presque rien, mais qui a fait le tour de France par la suite.
Seulement, nous revenons en arrière, quelques mois avant alors que PPP (Philippe Palazzo Production) se voit proposer le concept néerlandais de Big Brother. On met des gens normaux dans un appartement, on filme tout, limite on provoque parfois des évènements, et on voit ce que ça donne. C'est débile, parfois trash, mais aujourd'hui ça ne choque plus personne.
Dans son désir de "emmerder TF1", M6 cherche tout ce qui peut enfoncer la chaîne concurrente. Mais bon, pour l'instant, Raphaël (César Domboy) doit chercher ledit Philippe Palazzo (Nicolas Briançon) afin d'aller signer la distribution du concept de Big Brother en France. Liam de Lint (Koen De Bouw) est prêt à vendre, et ce serait un immense coup pour PPP. Malgré les productions du Bigdil et de Exclusif pour TF1, la société est au bord de la faillite.
Une fois le contrat signé, il faut trouver un diffuseur. TF1 est le plus à même de diffuser cette émission, mais M6 est aussi sur les rangs. Seulement, un accord tacite entre Christian de Chaunac (Philippe Lefebvre) et Michel Drezen (Éric Naggar) fait que tout capote. Le premier, patron de M6, se refuse à faire de la télé poubelle.
Pourtant, en parallèle, tout est mis en place pour lancer l'émission. Isabelle de Rochechouart (Anaïde Rozam) fait le forcing pour en être la productrice, quitte a porter le chapeau concernant la découverte de drogue dans une voiture de son concurrent direct. Elle a du caractère et est surnommée Cendrillon après avoir jeté un cendrier à la tête de je ne sais plus qui. Une personne importante. Nous suivrons aussi Karim Chedira (Sami Outalbali), qui ambitionne de devenir journaliste, mais va se retrouver à s'occuper de trouver des candidats et candidates, puis de scripter ce qui se passe dans le loft.
Bref, on nous présente tout le monde, finalement Philippe et Raphaël arrivent à convaincre M6 sur le fil. Notons la présence de David Marsais en numéro 2 de M6, Stanislas Beaupré croit en ce programme, qui peut rajeunir encore plus l'image de la chaîne.
Nous suivrons ainsi la mise en place de l'émission, limite dans l'urgence devant le fait que Christian de Chaunac veut prendre TF1 de court. Résultat, il faut faire les décors, trouver les candidat·e·s en un temps record. On ne suivra que Loana (Marie Colomb) en vérité. Les autres seront parfois visibles à travers les écrans de contrôle, mais ils et elles n'ont pas beaucoup d'exposition. D'ailleurs, iels étaient 13 dans la version originale, là, iels sont réduits à 11 pour la série.
Car j'ai cru, un peu naïvement, que nous allions avoir les explications sur les abandons de David et Delphine, mais ces candidat·e·s n'existent carrément pas dans la série. C'est là que nous constatons que la réalité est altérée. D'ailleurs, les prénoms des candidat·e·s sont similaires, mais pas des personnes agissant en coulisses. On reconnaît aisément Alexia Laroche-Joubert, Nicolas de Tavernost et Patrick Le Lay, mais le reste étant un mélange de personnes en place à l'époque, il était compliqué de reprendre les noms tels quels.
D'ailleurs, Alexia Laroche-Joubert est productrice ici, et Loana Petrucciani est conseillère. Mais passons donc à la série. Déjà, c'est bien produit, la distribution est bluffante, Marie Colomb et Anaïde Rozam sont excellentes dans leur rôle respectif. D'ailleurs Isabelle et Loana sont les 2 personnages principaux. Et si on peut se poser des questions sur certains choix d'Isabelle (réels ou modifiés pour la série), on sent une forme de sincérité dans le personnage de Loana. Qui la rend attachante.
En fait, un peu comme pour "Tapie", ça prend des moments vrais, que l'on peut vérifier, mais la série modifie certainement pas mal de choses. Le problème est que la spectatrice ou le spectateur que nous sommes est incapables de dire quoi. Comme pour la série de Netflix, c'est assez flou et bien conçu pour nous embarquer, sans que jamais nous nous demandions si c'est vrai ou non. Il arrive pas mal de choses pour que l'on ne s'ennuie jamais. On regrettera juste les cliffanghers de fin d'épisode, bien trop rapidement éludés lors de l'épisode suivant.
Pour tout vous dire, j'ai été embarqué dans la série. Mais même si c'est bien fait, on sent que certaines choses sont fausses. Il y a de subtiles différences, qui font que si on ne cherche pas le déroulé réel de l'émission, on peut y croire. Le nombre de candidat, l'absence de David (j'avais oublié Delphine), le fait que l'on ne voit jamais (ou presque car je viens de voir que Justine Ribeiro est créditée dans son rôle) Kimy (pourtant demi-finaliste), bref, des petits détails nous font dire que nous sommes dans une fiction.
En tout cas, l'aspect production, problèmes à gérer, bâtons dans les roues mis par la concurrence, l'aspect crade de la presse à scandale, l'envers du décor en gros est ultra passionnant à suivre. Je regrette ce personnage de Karim qui sera perdu puis sacrifié. D'ailleurs, Alexia Laroche-Joubert aura de vrais passages où elle sera présentée comme une guerrière, mais aussi une garce capable du pire. Ce qui surprend en sachant qu'elle est productrice et que l'on fait forcément le rapprochement avec elle. Ceci floute encore plus le vrai du faux, mais après, il ne faut pas trop se poser de question je pense.
Au final, c'est une série intéressante, qui raconte de façon fallacieuse ou non les coulisses d'une émission qui amena la télé-réalité en France. Viendront ensuite la "Star Academy", "Koh Lanta" et une tonne de programmes, 11 000 heures selon la conclusion de la série, plus ou moins stupides. Aujourd'hui, tout le monde connaît les codes. Les candidat·e·s, les téléspectatrices et téléspectateurs, les chaînes de télévision. Mais en 2001, c'était révolutionnaire. Au point que l'on parlait déjà de "télépoubelle".
Si vous n'avez pas vécu le lancement de Loft Story, je ne sais pas si ça peut vous parler. En tout cas, c'est propre, bien réalisé, est ça capte l'attention. De plus, la série est vite vue. Donc oui, c'est un conseil de ma part si vous avez Prime Video. Après, de là à s'y abonner, je ne pense pas que ce soit spécifiquement ce programme qui vous fera franchir le pas. Il parlera tout d'abord au plus de 35 ans (les personnes ayant vécu ça en 2001), puis après ça peut intriguer les plus jeunes. J'ai bien aimé. Oh, et la retranscription de ce que sont le début des années 2000 est excellent je trouve.
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