Cultivons la curiosité
Donc, au tour du tome 3. L'avantage de cette série de AIZAWA Ikue, c'est que l'on ne se mange pas des cliffanghers qui imposent la lecture du tome suivant. Non, ici c'est juste la volonté de savoir ce qu'il va arriver à notre trio de protagonistes, étudiants en arts dans un petite université, qui accueille même les imbéciles. Chiba, Motoyoshi et Fujimoto ont des caractères et expériences diverses. Pourtant ils s'entendent bien, et n'hésitent pas à échanger sur leurs doutes.
Beaucoup d'interrogations sont posées ici. Surtout que nous sommes vraiment à un âge (nos héros ont la vingtaine) où l'on se demande ce que l'on veut faire. Suivre sur la voix de l'art, essayer d'en vivre, sachant que ça demande beaucoup de paramètres pour y arriver. Ou juste garder ça de côté comme un divertissement, quitte à être frustré.
Les chapitres sont bien conçus, se focalisant parfois sur un des personnages. Sans cesse en évolution, on découvre surtout leurs pensées, parfois pas très rigolotes. Comme Fujimoto qui est tout le temps en proie au doute. Alors quand Chiba lui fait part de son idée d'un projet en commun, il a peur d'être un boulet pour ses amis. Motoyoshi possède un immense talent et va certainement percer. Chiba lui met toute son énergie (et il en a un paquet) pour évoluer. Du coup, Fujimoto, pourtant très talentueux, doute. Encore plus quand on sait que son contexte familial ne pousse pas du tout à la confiance en soi. Mais pour savoir ceci, il fallait lire les tomes précédents.
D'ailleurs, niveau contexte familial, on en découvrira plus sur le passé de Motoyoshi, qui va en apprendre plus sur son papa décédé le 11 mars 2011 (tout comme sa petite sœur et sa maman). On verra aussi la famille de Chiba au complet. Avec sa petite sœur, son petit frère et son papa, tandis que nous connaissions déjà sa maman. Bon, ici il y sera question de renouer un lien avec la grand mère qui est mal en point et a toujours effrayé la fratrie. Ce chapitre est celui qui s'avère être le plus intéressant. Non pas que les autres soient mauvais, les idées sombres du professeur de dessin en perspective (désolé, je n'ai pas bien saisi ce qu'il enseignait), ou alors quand Chiba va essayer d'intégrer un club sont bons aussi.
D'ailleurs le club dans lequel notre jeune artiste va aller montrera comment on peut se sentir mal à l'aise dans un monde qui ne nous paraît pas être le nôtre. Chiba est un jeune homme très expressif (parfois trop), mais qui a de belles pensées. Comme le fait qu'il doit trouver sa voie et ne pas essayer de changer sa façon de penser. Et justement, sa vision va un peu changer en voyant sa grand mère qui l'a toujours effrayé, dépérir. Il ne comprendra que plus tard ce que signifie le fait qu'elle veut qu'il mange le flan. On constate ici le soucis intergénérationnel. Le problème de communication. Le chapitre est très touchant, et comme toujours avec AIZAWA, juste.
Le dosage est parfait entre tranches de vie classiques, et les questionnements que sont en droit d'avoir des jeunes gens en train de choisir leur avenir. Le passage avec le professeur Igarashi aussi, qui n'arrive pas à trouver sa place, montre que même une fois adulte, on continue à douter, à se poser des questions. Toujours avec ce style graphique et cette mise en scène peu commune (beaucoup de gros plans notamment), AIZAWA arrive même à nous faire voir les couleurs des œuvres que les étudiants font ou voient. Je vous rappelle qu'un manga n'est qu'en noir et blanc, et peu avoir des nuances de gris.
Oh, dernier point, dans le chapitre consacré à Igarashi, il y a un procédé que j'ai rarement vu dans un manga ou une bande dessinée. Si, parfois HOJO Tsukasa apparaissait en dehors des cases pour dire un truc rigolo, mais là, pendant que 2 professeurs parlent, on a droit à un mini film bonus tout en bas de 6 pages. C'est 3 fois rien, mais c'est malin et ça désamorce un peu l'anxiété que Igarashi exprime auprès de Gotô.
On ne change rien, et c'est parfait. Oui, ça se lit lentement, ça s'apprécie. Mais "Demande à Modigliani!" n'est pas spécialement un manga comme les autres. Montrant des tranches de vies de quelques personnages attachant, on apprécie surtout la justesse du ton employé. AIZAWA ne force pas la larme, ni le rire. Elle est sincère dans sa démarche, tout comme ses personnages. Ces derniers ne croient pas au fait qu'il y ait des gens biens ou mauvais, juste nuancés. Bref, un manga à lire que j'apprécie énormément.
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