Cultivons la curiosité
N'étant pas trop K-Drama (série sud-coréenne), c'est forcément une personne de mon entourage qui m'aura donné envie de me plonger dans les 16 épisodes de cette série à la fois pas comme les autres et s'inspirant des autres. Paradoxal je sais, mais avouez que le postulat de départ est surprenant. Donc, K-Drama oblige, on tombe sur des épisodes assez longs, 1h10 à 1h25, véritables courts métrages en fait. Mais alors qu'est-ce qui rend cette œuvre si atypique et surprenante ?
Woo Young-woo (Park Eun-bin) est une jeune femme qui vient de terminer brillamment ses études d'avocate. Major de sa promo, elle va intégrer un des plus grand cabinet de Séoul, Hanbada, comme avocate junior. Et ce, bien que les nouveaux et nouvelles ont déjà pris leurs postes. On se rend rapidement compte que Woo n'est pas comme les autres. Elle est atteinte de trouble autistique, plus particulièrement le syndrome d'Asperger. Ceci la rend fermée au monde qui l'entoure, mais aussi ultra forte quand il s'agit de citer la loi et ses textes complexes au mot près.
On devine que son intégration parmi les juniors sera délicate, mais elle pourra compter sur la bienveillance de sa camarade de promo, Choi Su-yeon (Ha Yoon-kyung) et le très dévoué Lee Jun-ho (Kang Tae-oh), pour se faire à ce monde. Elle sera sous l'autorité du senior (dans le sens plus expérimenté) Jung Myung-seok (Kang Ki-young) et comptera comme "adversaire", l'ambitieux Kwon Min-woo (Joo Jong-hyuk). Nous verrons donc son arrivée plutôt remuante dans cet endroit pourtant peu tolérant. Surtout, son entrée tardive à Hanbada ne cache-t-elle pas un gros coup de piston ? Petite vidéo avant tout.
Vidéo de Netflix Asia
Donc, pas de version française ici. Et nous sommes sur Netflix. Ceci dit, ça se suit très bien ainsi, même si on n'a pas l'habitude du coréen. Donc, comme dit en introduction, Woo arrive dans un univers hostile, et va devoir montrer aucune faiblesse. Ce qui tombe bien vu qu'elle n'exprime pas ses émotions. Cependant, la clientèle acceptera-t-elle son handicap ? Et comme je l'ai dit plus haut, Woo pourrait être la pièce importante pour une lutte politique entre 2 femmes puissantes. Mais ceci, je vous laisserai le soin de le découvrir.
Woo étant élevée par son papa depuis qu'elle est bébé, la série nous contera son passé, ainsi que la raison qui fait d'elle une brillante élève avocate. On verra sa meilleure amie, la très expressive Dong Geu-rami (Joo Hyun-young), comment elles se sont connues, ainsi que son entourage. Notre héroïne, comme toute personne dans ce monde, possède une passion. Les cétacés. Son trouble autistique la rend monomaniaque à ce propos. Elle est capable de littéralement saouler les gens avec des termes précis et techniques. Mais sa passion pour ces animaux lui sert aussi d'endroit sûr, de "safe place", écoutant les cris des baleines dans le métro pour affronter son asociabilité.
On aura parfois droit à sa vision des cétacés, qui souvent lui sert de déclic. Et là, on repense forcément au côté délirant de "Ally McBeal" où les avocats imaginaient des choses un peu dingues. On peut même rapprocher "Extraordinary Attorney Woo" de "The Good Doctor", pour le côté "résolution" et porteur de handicap de son héros/héroïne. Chaque épisode montrera un cas. Donnant lieu à une structure proche de "Dr House". L'exposition, le ressenti des personnages, la recherche, le déclic et la victoire, plus ou moins amère en fonction des cas.
Et la force de cette série est de nous garder captive et captif. Malgré la longueur des épisodes. J'ai mis un gros mois pour voir la série, et je me souvenais encore d'un cas du début, montrant une jeune mariée spoliant la réputation de sa belle famille sans le vouloir. Le final est exceptionnel et inattendu. Ce qui me permet de parler des thèmes abordés. Là aussi la surprise est totale, vu que ça va parler de handicap, plusieurs fois, avec plusieurs situations différentes. D'homosexualité, de religion, de triche, de jeu d'argent, de territoire à protéger aussi, avec un superbe épisode en campagne.
Il y aura aussi ce passage marquant sur l'île de Jeju. Il y sera question aussi de religion, de protection de l'héritage culturel, ainsi que de la maladie. Le suicide est aussi évoqué. Et là, je vais prendre quelques instants au risque de vous révéler une partie de l'histoire de l'épisode qui en parle. On va avoir droit à un personnage mort, et on pense que c'est son frère, souffrant d'un trouble autistique très violent, qui l'a tué. Dans cet épisode, pour ne pas trop vous en révéler, on a un personnage qui va carrément essayer de se pendre... et ceci n'émouvra pas grand monde. Pire, ce sera détourné en romance lorsque ce personnage choit finalement sur un autre personnage, manquant de peu de s'embrasser. Ce passage est surprenant, et j'ignore si c'est moi qui ai loupé un truc, la traduction, ou juste la série qui passe trop vite dessus.
Hormis ce passage assez troublant, le reste est marquant pour des bonnes, des très bonnes raisons. Park Eun-bin livre une prestation exceptionnelle, comme l'ensemble de la distribution. Tout y est justement joué, et on passe souvent des rires aux larmes en un rien de temps, sans que ça ne semble abusé. Je repense à ce que dit très franchement Woo à son amie Su-yeon, son Soleil printanier ou une expression dans ce genre, ce qui fout les larmes, sauf à l'héroïne qui dit ça de façon très posée et naturelle. Nous n'esquiverons pas non plus quelques romances, mais elles ne sont pas pompeuses. Mieux, elles interrogent, ou du moins une des romances interroge, sur la capacité qu'ont les personnes porteuses de handicap à aimer, et à être aimé. Est-ce de l'abus de faiblesse ? Un cas sera aussi traité au tribunal, concernant un homme ayant couché avec une personne qui est restée coincée dans son enfance. Ceci trouvera, comme la plupart des affaires, une résonance dans la vie de Woo Young-woo.
Que puis-je ajouter de plus ? Je ne vois pas. Si vous aimez les séries sur les tribunaux, ça va vous plaire. Les K-Dramas avec beaucoup de romances, moins, vu qu'il y en a un peu, mais ce n'est pas le point vital. Une série capable de traiter des nombreux sujets actuels ? Oui, elle date de 2022 et est ultra progressiste, sans pour autant en faire trop. Je repense à cette affaire où une boîte propose aux femmes de rester à la place de leurs maris, montrant ainsi une stratégie horrible qui consiste à faire culpabiliser ces femmes. Bref, terriblement actuelle, "Extraordinary Attorney Woo" est un petit bijou trop peu vu et connu je trouve. À travers des procédés sobres, bien loin des poncifs étasuniens, nous voilà face à une œuvre capable de parler de tout, dans une certaine retenue. J'ai adoré.
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