Cultivons la curiosité
C’est en 2002 que sera annoncée un projet d’envergure de la part de Squaresoft. Le trop ambitieux « Final Fantasy : Les créatures de l’esprit », en plus de saigner le développeur/éditeur Nippon, aura aussi braqué les fans de la saga vidéoludique. Cet excès de confiance, ce côté trop avant-gardiste, aura forcé Squaresoft à s’allier à son ennemi de toujours, Enix. Ainsi, en 2003, Square Enix est né, et la compilation de Final Fantasy VII annoncée l’année précédente, sortira chez ce nouveau grand éditeur du jeu vidéo japonais.
Si « Beforce Crisis : Final Fantasy VII » ne sort qu’au Japon en 2004, exclusivement sur téléphone portable, le projet qui focalise toute l’attention des fans est ce film en image de synthèse, suite directe au jeu « Final Fantasy VII ». Je me souviens des nombreuses annonces, images, ainsi que des trailers que l’on peinait à voir, la faute à un internet bas débit asthmatique. Heureusement, des magazines surfaient sur cette puissante vague, en proposant notamment des CD-Rom (ne rigolez pas SVP) avec des vidéos moches, mais qui permettaient de voir ces trailers.
Vidéo de forest gun
« Final Fantasy VII » a marqué l’entrée officielle de la saga en Europe. Jusque là, seul l’import permettait de connaître cette série de jeux. Du coup, il tient une place particulière dans le cœur de nombreuses personnes. Alors quand « Final Fantasy : Les créatures de l’esprit » se viande au box office, car les cinéphiles ne sont pas prêt.e.s au cinéma d’animation pour adultes (« Toy Story » cartonne), l'éditeur doit revoir sa copie. Je me souviens d'un débat, sur le fait que ce ne sont pas de vrais acteurs et vraies actrices, que ce n’est pas du vrai cinéma. Que jamais ça ne marchera. À l’heure des fonds verts par milliers, ça me fait bien marrer. À l’heure où l’on salue les performances de Andy Serkis et Dominic Cumberbatch, limite en voulant créer un Oscar pour cette catégorie d’acteurs et actrices, ça me fait encore plus marrer.
Si le monde du cinéma montre un rejet en masse de ce film, le coup de poignard viendra des fans du jeu vidéo, qui détesteront celui-ci. La faute à une « américanisation » de l’univers de Final Fantasy. La faute au fait que nous avons plus à faire à un sous « Alien » qu’autre chose. La faute à un cast vocal composé d’acteurs et actrices qui viennent du pays de l’Oncle Sam. Pourtant, quelle claque technique. Le scénario reprend un peu le principe de la Rivière de la vie, des Esprits à retrouver. Certes, il n’est pas parfait, mais de là à se prendre un tel rejet de la part des fans, c’est un peu fort.
Cet échec mettra Squaresoft à Terre. Du coup, comme en 1987, l’éditeur/développeur se retrouve au bord du gouffre. Une fois de plus, sa dernière fantaisie sonne comme un coup de poker afin de survivre. Quoi de mieux pour se racheter auprès des fans du monde entier, que de reprendre l’épisode qui a permis de faire connaître la saga à tout ce monde. Du coup, l’extension, pourtant inutile, à « Final Fantasy VII » est décidée.
Squaresoft, devenu Square Enix entre temps, est reconnu pour ses scènes cinématiques à tomber. Capables de rivaliser avec les studios Pixar, pourtant à la pointe dans les années 2000. La compagnie nippone sait bien s’entourer, et aussi faire appel à des talents à travers le monde. Je me souviens d’une scène cinématique de « Final Fantasy IX » développée en France. Mais passons, Square Enix sait raconter des histoires, et sait aussi montrer ses capacités technologiques à les mettre en images. Du coup, quoi de mieux que de faire une suite au jeu le plus reconnu (mondialement) de la saga afin de se rabibocher avec les fans ?
Et faire ceci avec classe bien entendu. Donc, « Final Fantasy VII : Advent Children » arrive en 2005, et c’est une claque technique de 1h40 qui humilie les studios mondiaux. La précision de chacune des images impressionne, malgré une mise en scène signée NOMURA Tetsuya qui cherche à trop en faire. Seulement, Square Enix est traumatisé par son échec précédent au cinéma, et n’ose pas le sortir en salle. Très peu de projections seront effectuées, alors que c’est un film qui se savoure au cinéma. Bien leur en a fait, car, malgré une reconnaissance au festival du film de Venise, le scénario est trop destiné aux fans pour trouver un large public.
Alors que Sony lance le BluRay, Square Enix tarde à sortir une version sur ce support. L’éditeur œuvre en coulisse pour ajouter du contenu à son film pourtant déjà spectaculaire. Ainsi, il faudra attendre 2009 pour (re)voir ce film, en version complete. C’est de ce film dont nous allons parler aujourd’hui.
Déjà, le BluRay contient pas mal de bonus, dont une OAV « On the way to a smile – Episode Denzel - », qui relate le parcours du jeune garçon, entre la chute de la plaque du secteur 7 jusqu’à son histoire avec Clad et ses ami.e.s. Très belle OAV (œuvre destinée à une sortie vidéo), touchante même, à voir. Il y a aussi la reminiscence de FFVII. Le jeu original est résumé en 25 minutes, à l’aide de scènes prises sur le vif de celui-ci. On trouve aussi une autre reminiscence qui permet d’ajouter les événements de "Before Crisis" et "Crisis Core" à l’histoire de FFVII. On comprend mieux certains points, même si ça va très vite. Autre point sympa, on y constate que des scènes emblématiques sont reprises dans beaucoup des épisodes de cette compilation.
Donc, nous sommes en 2009, le BluRay sort, et on se retrouve désormais face à une œuvre de 2h05. Soit 25 minutes supplémentaires, qui permettent de faire un meilleur lien entre les personnages et les scènes. Le film s’ouvre par la fin de FFVII. Pas la vraie fin, la petite scène qui sert d’épilogue et nous montre Midgar 500 ans après FFVII. Elle arrive à la fin des « crédits » du jeu une fois celui-ci terminé. Puis on revient 498 années en avant. Soit 2 années après FFVII. Clad s’occupe de livrer des colis, il vit plus ou moins avec Tifa au bar le 7th Heaven, et s’occupent de Marlène, la fille adoptive de Barret. Ce dernier recherche du pétrole afin de palier à la non utilisation de la Mako.
Seulement, quelque chose, une ombre, plane toujours sur ce monde qui essaie de se reconstruire. Des géostigmates apparaissent et tuent la population. Il faut dire que l’intervention de la Rivière de la vie a fait quelques dégâts, empoisonnant une partie de la population. Pourtant bénéfique, cette Rivière de la vie est en fait « salie » par une certaine entité. Ainsi, nous retrouverons des ennemis bien connus de FFVII, dont un certain Sephiroth qui voit son esprit perdurer (tout comme sa « mère » Jénova) dans la Rivière de la vie.
Clad et ses ami.e.s vont devoir à nouveau lutter contre le grand guerrier qu’est Sephiroth. Seulement, seul Clad semble avoir les moyens de le vaincre pour de bon. Il faut dire que les Turks n’ont pas aidé. À la recherche d’un moyen de racheter la Shinra, ils trouveront certaines cellules dans le cratère nord, celui-là même qui vit l’ultime combat se tenir lors de FFVII. Trois personnages débarquent de ce cratère, et ils ne souhaitent qu’une chose, effectuer la « Réunion » afin de permettre à « Mère » de vivre et continuer son expansion à travers l’univers, en se servant de la Terre comme vaisseau.
Dit ainsi, si vous n’avez ni vu le film, ni joué au jeu, vous êtes perdu.e.s. Et c’est là l’énorme défaut de ce film. Le scénario est incompréhensible si l’on n’a pas fait le jeu, et en entier. Si « Final Fantasy VII » possède une localisation quelque peu bancale, en le combinant avec ce BluRay, on comprend mieux certains points. La volonté de Sephiroth, et pas mal d’autres choses que je préfère ne pas révéler ici. La version « complete » est moins abrupte dans l’enchaînement des scènes. Même si, par moment, le montage perd un peu le téléspectateur et la téléspectatrice que nous sommes.
Au niveau de la technique, malgré une réalisation bien trop vive de NOMURA, c’est magnifique. Vous pouvez faire « pause » à n’importe quelle seconde, c’est somptueux. La musique est toujours signée UEMATSU Nobuo, qui s’amuse ici avec son groupe les Black Mages. On retrouve un habile mélange entre compositions originales, réinterprétations plus Rock, mais aussi ajout d’une version piano du thème de combat absolument magnifique. Que dire aussi de cette sonnerie de téléphone, qui intervient alors que Tifa pense avoir gagné. Elle devrait faire son effet auprès des fans.
Le film a pas mal de défaut, comme être trop centré sur Clad versus Sephiroth, le duo comique Rude/Reno est vite lourd (mais je l’aime bien), un scénario incompréhensible sans avoir fait le jeu et surtout une réalisation qui se la pète trop. Il reste pourtant efficace je trouve. Même 15-11 années après (en fonction de la première version vue). Le doublage est impeccable en Japonais. On peut lui reprocher son côté « fan service » trop poussé. La honte intervenant avec le « placement » des autres personnages qui deviennent de façon honteuse très « secondaires ». Rouge XIII le premier. Cait Sith et Reeve aussi. Le pire étant Barret, qui devient plus que secondaire. Seuls Tifa et Vincent s’en sortent bien. La première car elle demeure le fantasme ultime des (sales) geeks, le second parce qu’en 2005, il fallait vendre le prochain « Dirge of Cerberus : Final Fantasy VII ». Du moins, c’est ainsi que je le perçois.
Le plus gros défaut du film est ce trio d’antagoniste. Kadaj en tête, aucun n’est inquiétant et encore moins attachant. En vérité, on est même rassuré de voire que Clad affronte un Sephiroth revenu d’entre les morts, plutôt que l’incroyablement plat Kadaj. Kadaj, Luz et Yazu sont mauvais. Dans tous les sens du terme. Du coup, nous ne sommes jamais inquiets/inquiètes quand Clad les affronte. Le vrai gros combat intervient contre Sephiroth donc, mais le plus intéressant et celui contre Bahamut. Ici, le spectaculaire prend tout son sens. Ceci ne veut rien dire. Mais cette scène allie le côté « too much » avec l’aspect nostalgique.
Tous les personnages bien connus sont là, ils ne servent presque à rien, mais ils sont là. Et ici, ça fonctionne. Surtout quand on voit qui est le dernier relayeur. Chacune des apparitions, même sous entendue à travers une goutte d’eau, d’Aerith est forte en émotion. Entre elle et Zack, il subsiste toujours une envie de pleurer qui fonctionne. Et sur le plan affectif, c’est ici que le film fonctionne. Il joue avec du fan service honteux, mais ça marche.
Grosse démo du savoir faire de Square Enix, qui en plus se rabiboche avec les fans de la saga, « Final Fantasy VII : Advent Children Complete » est un film d’animation loin d’être parfait, mais qui fonctionne car il s’adresse aux fans. Les personnes qui ne connaissent pas le jeu seront perdues. Elles se diront que le film est époustouflant, mais elles n’arriveront pas à ressentir les émotions qu’une goutte d’eau provoquera chez les fans. Et c’est là le défaut du film. Il est consacré aux fans. Et encore, ces derniers arriveront à trouver des points tristes. Le côté centré sur Clad notamment.
Personnellement, en 2005 j’ai surkifé, j’étais comme un fou en le voyant. L’émotion de revoir tous ces personnages, même quelques secondes, c’était génial. Puis ça envoyait du lourd il y a 15 ans. En 2020, si je suis moins comme un fou devant, l’émotion est pourtant intacte. Surtout lors des apparitions de Zack et Aerith. Il reste de très bonne facture 11 années après. Le gros problème intervient avec ses antagonistes plats, pas intéressants. Puis la réalisation bordélique de NOMURA peut être crispante dans son côté « je vais vous en mettre plein la tronche ». Ceci enlève une partie de lisibilité qui dessert le film et l’esthétique de toute beauté. Je l’aime pourtant toujours autant. À réserver aux fans de « Final Fantasy VII » ou aux personnes qui aiment les claques techniques, même 15-11 ans après.
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