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Cultivons la curiosité

Incroyable Mais Vrai

Incroyable Mais Vrai

La carrière de Quentin Dupieux est atypique. Elle diffère du système habituel. Presque en marge des nombreux médias auxquels participent le quarantenaire. Scénariste, compositeur, réalisateur, monteur...etc, il possède de multiples facettes. Aussi bien connu pour sa discographie électro riche (il est connu sous le pseudonyme de Mr. Oizo), c'est surtout au cinéma qu'il se créée une place, tout en restant un peu en marge du système.

Ses films sont complexes à comprendre, laissent dubitatifs parfois, mais offrent un divertissement inégalable, et inégalé en France. On pourrait le rapprocher d'un David Lynch pour le côté atypique, mais sans la sensualité de l'Étasunien. Vous le savez, j'apprécie énormément le travail du Français au cinéma. Au point que j'ai vu "Au Poste !" et "Mandibules" au cinéma. Ce dernier est, je pense, le film le plus accessible de son répertoire. Grâce aux personnages interprétés par Grégoire Ludig et David Marsais, connus comme étant le duo comique du Palmashow.

Donc, l'annonce d'un nouveau film me mit en joie. Mieux, Alain Chabat serait de la partie, comme lors du très délicat à comprendre "Réalité". Je vais citer à nouveau "SteaK" et "Rubber", que j'ai vu, et qui montre plusieurs niveaux de lecture. Les films ne s'offrent pas à vous, et il faut essayer de lire, tant bien que mal, entre les lignes pour découvrir un message souvent fort. Comme lorsqu'il se moque ouvertement des jeunes qui aiment boire des bières, en leur faisant adorer le lait dans "SteaK".

J'avoue avoir un peu honteusement raté "Le Daim". Que je n'ai toujours pas vu. En attendant, c'est bien le 15 juin 2022, soit le jour de sa sortie en France (un exploit pour moi), que j'ai décidé de profiter de la climatisation de mon cinéma pendant 75 minutes. C'est court, mais assez intense. En attendant, je vous laisse avec la bande annonce, qui est mystérieuse et ne révèle rien du tout.

Vidéo de FilmsActu

Une bande annonce qui donne envie d'en savoir plus sur le secret de cette maison, mais aussi la chose si incroyable du couple Gérard/Jeanne (Benoît Magimel et Anaïs Demoustier). Mais tout débute alors que Alain (Alain Chabat) et Marie (Léa Drucker) sont bien embêtés. Comment expliquer leur situation, qui paraît complètement hallucinante. Au point de prendre de multiples pincettes, avant finalement de se jeter à l'eau.

Un plongeon dans l'explication que la spectatrice et le spectateur ne verront pas tout de suite, vu que l'on remonte légèrement le temps. Alain s'ennuie au boulot et s'occupe en jouant à un antique jeu vidéo dont j'ai perdu le nom. Il est interrompu par un coup de fil, qui le fait détaler en vitesse. Alain a oublié la visite prévue avec sa femme d'une maison fort jolie.

Franck (Stéphane Pezerat), l'agent immobilier, les accueille et se charge de la visite. C'est une grande maison pour un couple de quinquagénaires sans enfant. Mais c'est joli, malgré les traces aux murs. Seulement, même si c'est ultra grand, ce n'est pas cela le clou du spectacle. Car oui, il y a un clou. Situé à la cave, une trappe artisanale s'avère mystérieuse. Limite le couple a l'impression d'aller dans les égouts, mais l'agent immobilier est tellement excité de leur présenter cette chose incroyable, que Marie et Alain descendent l'escalier. En refermant bien la trappe derrière car sinon "ça ne marche pas" dixit Stéphane.

Alors, est-ce que je vous révèle ou non le truc dingue ? J'avoue que, sur le coup, il est difficile à croire, et d'ailleurs on ne saisit pas l'utilité de la chose, mais passons, pourquoi pas ? Sauf qu'en plus de ce truc fou, un autre phénomène fantastique se produit. Quentin Dupieux joue sur notre volonté d'en savoir plus et ne révèle pas immédiatement de quoi il s'agit, coupant parfaitement son récit pour nous frustrer. À voir l'air hébété du couple, on sent que c'est quelque chose d'immense.

Alors, en vérité, sur le papier, quand on l'apprend un peu plus tard dans le film, ça n'impressionne pas tant que cela, pourtant, ça va faire vriller Marie, qui va voir ici une occasion en or d'accomplir son rêve. Un rêve que l'on devine lorsqu'elle voit des enfants jouer sur le chemin du retour. Sauf que ce n'est pas ce que l'on croit. Mais je vais éviter d'en dire plus.

Ce qu'il faut savoir, c'est qu'en plus de nous couper la révélation en plein milieu, Quentin Dupieux va en profiter pour mieux nous présenter Gérard et Jeanne. Le premier est un ami d'enfance de Alain, mais aussi son patron. Ils bossent tous les deux dans une boîte d'assurance, et on sent que Alain n'est pas très doué pour gérer les conflits, tandis que Gérard est l'homme sûr de lui. Jeanne vend de la lingerie et les deux couples s'entendent plutôt bien. D'ailleurs, ils vivent désormais à un pâté de maison les uns des autres. Le heureux hasard quoi.

Résultat, c'est lorsque Gérard et Jeanne s'invitent alors que Marie et Alain viennent d'aménager, que l'on apprend l'excellente nouvelle concernant Gérard. Je vous en révèle la teneur...non. Disons que c'est un gadget qui peut faire rire au début, mais ne provoquera pas la fascination escomptée. Dans ce repas, et même pendant la bande annonce, on sent que Gérard est le pur mâle alpha. Il veut que ça se déroule comme il le souhaite, et le repas devient vite gênant. Malgré tout, la chose sera révélée, et dès lors, on ne peut qu'y voir une volonté masculine de dominer et de parader fièrement. Un peu comme un homme présente sa nouvelle voiture ou son dernier gadget à la mode et qu'il recherche la fascination de ses amis.

En fait, ce film est décrit comme une comédie, mais il n'en est rien. Certes, au premier degré, on se marre, car des mots crus sont prononcés, et le jeu assez débonnaire des acteurs et actrices (dans le bon sens du terme je veux dire), rend le récit léger. Sauf que nous sommes bien face à un drame. Les 4 personnages finiront le film de diverses manières, et elles seront rarement enviables. Gérard étant obsédé par son gadget, qui connaîtra quelques soucis, Jeanne croyant son compagnon infidèle car ce dernier ne veut pas lui dire la vérité. Chez Alain et Marie, ce n'est guère mieux. Cette dernière est obnubilée par la capacité offerte par cette trappe.

Résultat, le couple s'éloigne, et Alain connaît en plus des ennuis au boulot, sans que son patron, Gérard, ne puisse l'aider. On voit les personnages sombrer, encore plus à la fin, quand le réalisateur décide de tout nous passer en accéléré, de peur de nous ennuyer. Et le film se clôt de manière abrupte, après 75 minutes qui en auront parues 30. C'est un sacré tour de force, car on a beaucoup de mal à quitter son siège, tant la fin arrive rapidement. On se retrouve stupéfait ou stupéfaite.

Si "Mandibules" est, selon moi, le film le plus accessible du réalisateur, "Incroyable Mais Vrai" est au contraire, très complexe. Évidement, il ne faut pas s'arrêter au premier degré. Oui, les personnes ne voulant pas réfléchir, rigoleront de bon cœur devant les termes crus souvent nommés. Devant l'incongruité du gadget de Gérard. Mais pourtant rien ici n'est destiné à nous faire rire.

Déjà, Quentin Dupieux doit haïr les agents immobiliers. Car je trouve qu'en y regardant bien, Stéphane est un véritable connard, même si il n'est jamais virulent. "C'est écrit dans le contrat" qu'il dit, alors que Marie sombre petit à petit dans la folie. Une folie inculquée par le fait qu'elle rêve d'une chose depuis toute petite. Ici, le milieu de la mode prendra aussi cher. Avec un retour sur Terre violent, et notamment une agression que l'on devine sexuelle de la part d'un photographe.

D'ailleurs, niveau masculinité toxique, Gérard se pose là. Déjà, via son gadget. Ensuite, sa façon de changer de voiture, comme de femme. Et surtout, le sentiment qu'il perd sa virilité lorsqu'il n'arrive pas à encaisser le recul d'une arme à feu et qu'il détruit les toilettes du stand de tir au bord des larmes. On peut aussi y voir une critique des gens qui sont dépendant de la technologie, qui coûte un bras, mais n'y comprennent rien. On peut aussi parler rapidement de Marie, qui interprète mal l'absence de Gérard, parti au Japon faire réparer son gadget, alors qu'elle croit qu'il la trompe. Après, Gérard est un connard incapable de dire la vérité de peur de perdre sa masculinité, sa virilité, donc on peut la comprendre.

Et au milieu de ce chaos, qui devient de plus en plus étouffant, il y a Alain. Qui subit tout, n'arrive pas à s'imposer, voit son meilleur ami et patron partir en vrille à cause de son gadget qui ne fonctionne plus. Mais pire, il voit sa femme partir dans la folie à cause du pouvoir de la trappe. Et alors qu'il ne comprend pas cette fascination, il n'arrive pas à retenir Marie, et est limite faible en la laissant sombrer.

Bref, ce film est complexe à comprendre, et comme d'habitude avec Quentin Dupieux, il faut analyser les métaphores proposées. Le gadget de Gérard s'apparentant à sa masculinité, qui est toxique soit dit au passage. Marie qui devient obnubilée par l'accomplissement de son rêve, sans constater qu'elle s'éloigne de Alain, et ce dernier qui n'a pas assez de force pour remettre tout ce monde sur le droit chemin, et constate l'étendue des dégâts.

"Incroyable Mais Vrai" n'est pas un film facile. Au moment où j'écris ces lignes (deux jours après l'avoir vu), j'ai encore des scènes qui me reviennent, des métaphores qui m'apparaissent. J'ai du mal à dire que j'ai adoré ce film, car je le trouve très sombre, très triste. Mais on ne s'y ennuie pas. Cela serait étonnant pour un film si court, mais on a vraiment l'impression que le temps passe rapidement, et on reste dubitatif/dubitative devant cette fin abrupte et violente.

C'est un mélange de "SteaK" et "Réalité". Un film qui s'exprime à travers des métaphores, fait rire à travers son parlé direct, ses personnages touchants. Mais qui s'avère être un drame violent, dont la fin ne manquera pas de vous faire réfléchir. C'est bien mis en scène, les acteurs et actrices sont excellent.e.s. Cependant, contrairement à "Mandibules", je ne reverrai pas ce film. Si vous aimez le réalisateur, attendez-vous à une chose décalée, violente (sans l'être), et une expérience qui paraîtra très courte. Pourtant, on se retrouve à s'interroger sur beaucoup de choses en sortant du film, et même quelques jours après. J'ai aimé, sans adorer, c'est un film marquant si le cinéma de Quentin Dupieux vous parle. Un pur film d'auteur quoi. À voit si on l'aime, sinon, bonjour la perplexité.

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