Cultivons la curiosité
À la fois point de départ et point final de mon long week-end parisien du 20 octobre 2024, "L'art de ne pas dire" est la première pièce de théâtre de Clément Viktorovitch. Découvert via Clique, où il avait une chronique expliquant la rhétorique, le pouvoir des mots, des biais, des tournures de phrases, ce jeune docteur en science politique possède un caractère qui fait que l'on ne peut que l'apprécier. Voulant être simple et clair, il se consacre depuis peu à sa pièce de théâtre (co-écrite avec le metteur en scène Ferdinand Barbet) et sa chaîne Twitch.
Il faut dire qu'avez les grosses actualités politiques que nous avons depuis... pfiou, bien 7 ans, avoir quelqu'un qui démonte les discours ou paroles des personnalités politiques fait un bien fou. Il permet d'ouvrir les yeux sur certaines choses qui devraient être inadmissibles. Se servant de cette expérience, il va donc incarner un conseiller politique d'un président imaginaire, mais évidemment grandement inspiré de l'actualité depuis 2017. Ce conseiller vient de se faire renvoyer pour des frais de coiffeur jugés extravagants. Donc c'est décidé, il va tout dire. Comment il a fait d'un jeune homme politique quelconque, un président capable même de se faire ré-élire.
La pièce se tient au Théâtre Saint Georges de Paris, dans le IXè arrondissement (au sud de Pigalle). Les dimanches et lundis, Clément Viktorovitch va mettre la coiffure de ce conseiller, et pendant 75 minutes prendre en exemple de nombreuses choses passées depuis 2017. Sans jamais vraiment donner des noms, on arrive à deviner, à travers de petites phrases, d'où viennent les références. La pièce n'est composée que de son interprète, et offre une scène sobre, mais qui permet des jeux de lumière/ombre accentuant les moments importants. L'acteur possède une très bonne prestance, n'hésite pas à faire participer le public (son personnage du moins), et l'expérience s'avère aussi étonnante, drôle, affligeante que déprimante. Je m'explique dans le prochain paragraphe.
Non pas qu'il y ait à redire sur la pièce en elle-même, mais le problème intervient sur la résonance qu'elle a sur notre vie. Le personnage est extrêmement antipathique, malgré sa bonhommie, et lâche des choses immondes. Ce qui malheureusement résume bien comment fonctionne la politique de nos jours. Si on en vient à rire en reconnaissant une référence qui force à peine le trait d'un Darmanin ou Macron, j'en suis ressorti un peu déboussolé. Ce qu'il avait dit dans une de ses soirées Twitch (dont je regarde les courts extraits sur YouTube), c'est ce principe de résignation. À force de faire de la merde, on en vient à se dire que de toute façon ça ne peut pas être pire, et qu'il vaut mieux laisser faire.
Bon, ce n'est pas développé dans la pièce, mais être résigner c'est finir par tolérer tout et n'importe quoi. Genre les violences policières sont tellement banalisées, que voir la conversation d'une policière disant à sa mère qu'elle a fait exprès de foncer sur un jeune homme noir à scooter (pas dit ainsi), mais que ses collègues la protège et vont effacer la vidéo surveillance, bah ça devrait nous faire exploser de colère. Un acte ouvertement raciste, mais comme la plupart nous sommes blancs (ou blanches), bah voilà quoi, c'est habituel avec la Macronie (et cela ne va pas s'arranger avec l'équipe en place qui penche violemment à l'extrême droite).
J'ignore si je m'exprime bien, mais on ressort de cette pièce en se disant que de toute façon, notre vote ne peut rien changer. Au début, son personnage indique qu'indéniablement, les candidats et candidates beaux et belles, ont plus de possibilités de gagner une élection. Inconsciemment, on fait plus confiance à une personne belle à l'extérieur, même si c'est de la merde dedans. À l'heure où certains influenceurs s'indignent d'avoir de la politique dans les jeux vidéo, et bien n'en déplaise à ces imbéciles, TOUTE œuvre est politique. Ainsi, si vous êtes de droite, cette pièce ne vous plaira pas. Ou au contraire vous kifferez sans comprendre le second degré derrière. De toute façon vous avez quitté à "kifferez".
Car oui, cette pièce, sous couvert de ne pas citer les personnalités politiques visées, le dit d'entrée, ce n'est pas inspiré de faits réels... ah si en fait. Et Clément Viktorovitch profite de toutes ses connaissances linguistiques pour analyser les biais employés par les personnalités politiques afin d'endormir les citoyens et citoyennes. Argh, j'avais un exemple mais je viens de le perdre. L'euphémisme notamment, la fameuse phrase "Je ne dirai pas que ça a échoué, mais que ça n'a pas marché". La façon d'utiliser des mots plus doux, afin de faire passer la pilule. Alors qu'en face on va traiter des jeunes qui lutte pour l'écologie de terroristes.
Que ce soit clair, je n'ai rien contre les forces de l'ordre, je n'apprécie pas non plus les écologistes qui sont capables de s'asseoir au milieu du périphérique, cherchant comme des Trolls sur internet, à se faire frapper pour faire le buzz. Mais je pense que l'on peut écouter ce que dise les écologistes sans vouloir les taper. Et que les membres des forces de l'ordre faisant des grosses conneries (il n'y en a pas beaucoup en plus, c'est ça le pire) arrêtent de jouir d'une impunité totale. Si je suis contre le chaos, je suis aussi contre un État régalien (dans sa définition primaire). Bon, les mots sont un peu forts, désolé, je ne suis même pas certain à 100% d'arriver à faire passer ma pensée.
Mais là n'est pas le sujet de cette chronique. Oui, "L'art de ne pas dire", pour une première pièce de théâtre pour ma part, est puissante. Aussi effrayante qu'instructive, on en ressort avec une envie de prêter encore plus attention aux petites phrases dites par les personnalités politiques. En gros, on peut résumer en "saféréfléchire". La très mauvaise orthographe est pour montrer à quel point on ressort avec l'esprit avide d'en savoir plus, mais qui a peur justement d'en savoir plus (en fait c'est plutôt pour atténuer le truc, le rendre plus rigolo, désolé).
Heureusement, le tout est parfaitement fluide, Clément Viktorovitch et Ferdinand Barbet arrivent à rendre le tout facilement audible. Le théâtre Saint Georges est joli, l'entrée y est fluide, et il est carrément à côté de la station du même nom du métro 12. Par contre, la place entre les rangs est un peu... fine, ça va pour moins qui suis petit, mais les grandes personnes auront du mal à être confortablement installées. D'autant qu'au bout de 60-65 minutes, on se retrouve à avoir un petit peu mal aux fesses. La faute à ma mauvaise position ? Une assise peu rembourrée ? Je ne sais pas, mais d'autres personnes du public ont aussi commencé à s'agiter une fois l'heure passée.
Voir un spectacle vivant, avec une personne aussi admirable que Clément Viktorovitch, sur un sujet actuel qui peut choquer, ce fût un vrai plaisir. Le théâtre est super sympa, l'acoustique me paraît bonne. Ce fût une première impressionnante pour ma part. Après, je m'attendais peut-être à quelque chose de moins "joué". Ici, l'acteur-auteur déroule son texte, en jouant parfois avec le public, mais il ne sort jamais de son rôle (après c'est normal). Juste à la fin pour les salutations, là on retrouvait la vraie personne que l'on peut voir sur Twitch.
En tout cas, sachez que la pièce est pour l'instant jouée à Paris, mais fera le tour de France et d'Europe francophone (oui, il passe par la Belgique et la Suisse) en 2025. Alors pas mal de dates sont complètes. Mais sachez qu'il a sorti une version écrite de cette pièce, avec des annexes qui permettent de mieux saisir toutes les références. Livre que j'achèterai tôt ou tard, pour mieux tout comprendre. En attendant, si vous ne vouez pas un culte à Macron ou toute autre personnalité de droite, je vous conseille d'aller voir cette pièce. J'ai adoré.
@+
P.S. : Juste en dessous, je vous laisse 2 liens. Le premier va vers une vidéo, pas encore vue pour ma part, où Clément Viktorovitch revient sur son spectacle "L'Art de ne pas dire". Le second lien va vers la billetterie du théâtre Saint Georges (à Paris donc), pour la Province vous trouverez les liens sur la chaîne YouTube du docteur/artiste.
L'ART DE NE PAS DIRE : ANNÉE 1 - Documentaire Clément Viktorovitch
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Clément Viktorovitch - L'art de ne pas dire - Théâtre Saint-Georges
Dans la continuité de son livre "Le Pouvoir Rhétorique", Clément Viktorovitch, docteur en science politique, soucieux de vulgarisation sur France Info, Clique
https://www.theatre-saint-georges.com/clement-viktorovitch-l-art-de-ne-pas-dire/