Cultivons la curiosité
Nous profitons des derniers jours de 2024 pour continuer ce cycle "Kaiju" ou films fantastiques japonais. Tandis que Godzilla s'apprête à revenir en 1962, en affrontant un autre grand monstre du cinéma fantastique (étasunien cette fois-ci), un nouveau Kaiju est créé une année avant. Toujours avec HONDA Ishirô à la réalisation, notons que KOSEKI Yuji se charge du score, offrant la magnifique chanson invoquant Mosura (Mothra se nomme Mosura en japonais). SEKIZAWA Shinichi signe le scénario, qui s'avérera très intéressant.
D'une durée de 101 minutes, "Mosura"/"Mothra" est sorti en 1961 sur les écrans japonais. La version que j'ai vue est l'originale, sous titrée en anglais. Mais ne vous inquiétez pas, l'anglais y est très simple. Au point que j'ai cru que c'était un/une Français/e qui avait fait la traduction. Par exemple, au début, un bateau coule, les marins voient leurs propos traduits par "We are taking water"/"Nous prenons l'eau", au lieu de d'employer le verbe "flow"/"couler". Peut-être qu'en japonais, ils disent aussi qu'ils prennent l'eau. Je ne sais pas. Tout ça pour vous dire que ce DVD issu du pack en Zone 1 (il faut un lecteur multizones) "Toho Collection" est de très bonne qualité, avec des sous titres anglais qui se suivent sans trop réfléchir. Petite vidéo.
Vidéo de Tue Nguyen
La bande annonce était en version anglaise, désolé. Mais dans l'ensemble, on y suit plutôt bien le déroulé du film. Imaginez. Début des années 60 (en fait ce n'est jamais indiqué, mais supposons), un terrible Typhon prend en sandwich un navire japonais avec Infant Island. Cette dernière est une île qui a servi à faire des essais nucléaires. On comprend pourquoi les marins ne sont pas trop chauds pour faire le choix d'aller vers le Typhon ou la radioactivité... Pas de bol, le Typhon a raison du bateau, et dès que la tempête est passée, les secours sont organisés.
Des survivants sont trouvés sur l'île, et ces derniers se porteront étonnamment bien. Peut-être est-ce grâce à la boisson rouge offerte par les Natives de l'île. Forcément, ça intéresse du monde, l'île est inhabitée, la vie y est impossible suite aux essais nucléaires. En gros, c'est quoi cette histoire, faut aller voir. Alors, je n'ai pas tout compris, mais il semblerait ici que ce soit le pays imaginaire Rosilica qui soit à l'origine des essais nucléaires. Du coup, v'là t'y pas que des hommes venus de ce pays entreprennent une expédition. Menée par Clark Nelson (ITÔ Jerry), on y interdit la presse. Chujo (KOIZUMI Hiroshi) fera partie de l'expédition comme scientifique Japonais et il se trouve que le courageux Fukuda Zen (SAKAI Frankie), enfin, Zen dans les sous titres, vu que c'est plutôt Sen, donc Fukuda est un journaliste qui n'hésite pas à embarquer illégalement sur le bateau.
Tout ce petit monde va découvrir l'impensable. Au cœur de l'île, une végétation luxuriante, étonnamment développée, existe. Mieux, alors que Chujo semble s'être perdu, il se fait attaquer par une grande plante aimant le sang. Désolé, c'est à peu près écrit ainsi dans les sous titres. Heureusement, une mélodie venue du sol va calmer la plante. Chujo y apercevra ses sauveuses, des femmes lilliputiennes. Rapidement nommées Shobijin par Fukuda (les mignonnes petites femmes si j'ai bien compris), ceci attirera l'infâme Nelson, qui va chercher à les enlever.
Seulement, la partie japonaise de l'expédition refuse de commettre un tel méfait, surtout que dès que Nelson s'empare des Shobijin, les Natives apparaissent. Là. Là. Désolé. Il faut recontextualisé, en 1961 au Japon, ce n'était pas comme aujourd'hui. Je dis ça car les Natives sont en fait des acteurs et actrices Japonais·es faisant du Black Face. Procédé raciste qui consiste à faire passer une personne qui n'a pas la peau noire, comme une personne exotique ayant la peau noire. C'est horrible, et c'est là que l'on voit que le film est daté. C'est, pour tout vous dire, le seul énorme défaut du film. Le pire étant que les Natives reviennent plusieurs fois dans le film.
Devant la menace, Nelson abandonne provisoirement l'idée de capturer les Shobijin. Ce n'est que partie remise, vu qu'il finira par les attraper lors d'une autre expédition et s'en servira pour faire un show façon freaks. Un spectacle où l'on montre des choses inhabituelles. Ici, les jumelles (qui sont interprétées par le duo de J-Pop The Peanuts, composé de ITÔ Emi et ITÔ Yumi) vont entonner un magnifique chant. Nelson, cet abruti fini au pipi, va dire qu'elles sont heureuses pour chanter ainsi, donc la presse ferait mieux de fermer sa gueule.
Seulement, si les jumelles chantent, c'est pour invoquer Mosura. En effet, sur Infant Island, les Natives ont dévoilé un œuf gigantesque, que le chant des Shobijin fera éclore. Une larve énorme en sort et se met en route vers Tôkyô. Alors, on vous avoue que c'est rapidement effrayant, car Mosura ne fait pas la distinction entre le bien et le mal. Son but c'est de sauver et ramener les jumelles, peu importe le coût en vie. Je ne vais pas en dire plus, mais sachez qu'à un moment, Mosura fait son petit nid et se transforme en mite. Et elle casse tout.
Comme vous pouvez le voir, Nelson, et son équipe, sont les antagonistes de cette histoire. À vouloir faire du pognon, ils exploitent des petites personnes qui ne demandent qu'à vivre paisiblement sur leur île. Le début est un peu long, mais c'est pour bien présenter les personnages. Le scientifique Chujo, le journaliste Sen et le méchant Nelson. Alors, j'ignore pourquoi, mais on sent un peu une critique des États-Unis d'Amérique, qui s'adjuge tout pour faire du pognon. Peut-être parce qu'à la fin Mosura va détruire New Kirk City, en Rosilica, soit une version à peine déguisée de New York.
Une fois la première demie heure passée, ça commence un peu plus à bouger, non pas en terme d'action, mais on commence à comprendre que Nelson, l'homme mystérieux, est un méchant (je voulais dire un autre terme), avide d'argent, qui est persuadé d'avoir fait la découverte du siècle et veut l'exploiter à tout prix. Ici, on peut y voir la même volonté d'exposer King Kong au public de New York, ce qui va créer une catastrophe. Heureusement, Chujo, Sen et la photographe Michi (KAGAWA Kyôko, que j'ai oublié de citer) trouveront une solution.
Je ne voudrais pas trop en révéler, mais sachez que ce n'est pas Mosura qui tue Nelson. Voilà, c'est dit. On peut lire ça à droite à gauche, mais dans la version de 1961 ce n'est pas le cas. Je vous laisse découvrir ce qui arrive à cette pourriture. Et venons en aux scènes de grand spectacle. Car oui, Mosura finira par attaquer plusieurs villes, avec des maquettes sublimes. Mais la scène qui m'a le plus marqué, c'est le barrage et ce sauvetage d'un bébé. Oui, on voit les truquages, mais c'était intense, et je crois bien avoir rarement vécu pareille émotion dans un film de Kaiju. Généralement on est plutôt détaché des pertes humaines (ce qui est triste). On s'attarde plus sur l'aspect "cascadeur en costume" qui pète une maquette qu'autre chose. Mais cette scène a un truc en plus.
Vous l'aurez compris, en terme cinématographique, on clôt 2024 sur Ashou par une pépite. "Mothra" est un excellent film. Qui fait passer un message, de laisser les autochtones en paix, sinon le prix à payer est lourd. On insiste bien sur la cupidité de Nelson. Le pays de Rosilica, qui fait penser aux États-Unis d'Amérique, fera tout pour aider le Japon. C'est juste son ressortissant qui est un horrible personnage. Les scènes de destruction sont spectaculaires (pour 1961 attention), et voir Mosura voler fait toujours son petit effet. La musique est très jolie, un peu futuriste avec ce son spécifique avant que les Shobijin ne s'expriment en japonais. Bref, c'est une grande réussite, et c'est à voir si vous aimez ce genre de film. Normalement, la prochaine étape est justement "Mothra contre Godzilla". Mais ceci sera pour l'année prochaine.
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