Cultivons la curiosité
Quand on parle des adaptations vidéoludiques, il est assez difficile de passer à côté de la première. Même si techniquement, ce n'est pas la toute première, le film que nous voyons ce jour fût le premier à sortir mondialement. Longtemps, le passage d'un jeu vidéo au cinéma fût complexe. Et si la situation arrive enfin à être moins ridicule, il faut reconnaître que ce fût un chemin remplit d'étrons.
"Super Mario Bros." est un jeu vidéo à succès. Si le personnage de Mario est désormais connu mondialement, mascotte de la compagnie Nintendo, au début des années 90 il reste essentiellement célèbre dans un milieu fermé. Je ne vais pas faire l'histoire de Nintendo, Mario, ou les jeux vidéo mettant en scène le célèbre plombier. Très rapidement, l'univers prend chez les plus jeune, et le royaume Champignon se retrouve dans la petite lucarne. Comme le montre la série animée de 1989 (vue ici).
J'ai le souvenir assez ému de l'entrée du magnétoscope dans le foyer familial. N'allant pas au cinéma, ma seule ouverture vers les films, du haut de mes 10 ans, était la diffusion à la télévision d'ancien film. La chronologie des médias imposant 4 années avant de le voir arriver à la télévision. Ainsi, la vidéo cassette, en plus d'ouvrir à la location de film, permettait de voir et revoir moult fois un film. Je me souviens de mon premier achat, je ne sais plus quand, 1996 ou 1997, d'une cassette vidéo. C'était "Bad Boys". Jusque là, mes parents achetaient parfois des vidéos.
Et c'est en 1993-1994-1995 (je ne sais plus) qu'une magnifique cassette rejoignit le foyer. Pensez-y, j'avais 12-13 ans, mon premier jeu vidéo était "Super Mario Bros." sur NES (pour Nintendo Entertainment System, première console de salon de Nintendo en Europe), bon, techniquement c'était "Dig Dug" sur un vieil ordinateur, mais omettons ce détail pour cette chronique. Donc, quand tu baignes dans l'univers du royaume Champignon depuis 1992, sans jamais vraiment vaincre Bowser (le grand méchant de cet univers), voir qu'un film est sorti intrigue. Même mes parents ne l'ont pas vu venir. Ce qui me fait dire qu'il est sorti directement en vidéo. Sans que je n'en sois certain.
Dans mes souvenirs, c'était un film magique, mais très sombre et presque effrayant. Glauque est le terme exact. Cependant, l'action, les personnages, la version française qui en fait limite trop, et bien j'avais aimé. Des dialogues m'ont marqué, comme le "À tout alors, Alligator" (que je pensais sorti de "Crocodile Dundee"). Quand, plus tard, j'ai eu envie de me replonger dans les films de mon enfance, la quête de l'impossible arriva. Le support DVD a supplanté la cassette vidéo dès l'an 2000, et personne ne se risqua à ressortir le film que nous voyons aujourd'hui. Nintendo bloquait la licence ? Impossible, il ne sont pas producteur. C'est juste que le retrogaming n'était pas encore dans les mœurs.
Quand bien même ce phénomène débuta, il était toujours impossible de trouver un DVD (ou BluRay) digne de ce nom, vendu sur le territoire français. Tout était en import. Vous l'ignorez peut-être, mais Nintendo a enfin emboité le pas de Sonic en sortant un film animé par Illumination Entertainment. Profitant de l'occasion, Pathé! Distribution en profita, 30 ans après sa sortie, pour sortir le film du jour en combo BluRay/DVD.
Le tout a un prix assez élevé, 25€ environ. Certes, il y a un making of et un documentaire de 1 heure (aucun des 2 bonus ne furent vus par votre serviteur), mais ça pique un peu. Heureusement, la copie est magnifique, convient parfaitement aux écrans HD, et on y trouve la version française d'origine, ainsi que la version originale sous titrée en français. C'est la première piste audio qui fût choisie, histoire de voir, enfin d'entendre plutôt, les sons de mon enfance. Petit trailer en version originale.
Vidéo de Unseen Trailers
Les frères Mario sont Mario (Bob Hoskins) et Luigi (John Leguizamo). Plombiers en difficulté, ils n'arrêtent pas de perdre des interventions au profit d'une immense succursale dirigée par Scapelli (Gianni Russo), sorte de mafieux qui veut tout contrôler à New York. Mais avant d'apprendre à connaître notre fratrie, nous avons le droit à un dessin animé très laid. Qui nous explique comment les dinosaures disparurent il y a 65 millions d'années. Je me souviens qu'à l'époque, il existait plusieurs théories, dont celle de la comète. Le scénario va imaginer que les sauriens furent transporter, on ignore comment, dans un monde parallèle. Sans plus.
On arrive maintenant 20 ans avant l'histoire, un œuf fût déposé devant un orphelinat, duquel sort un bébé. C'est assez chaud à comprendre, mais tout est expliqué après. L'occasion de découvrir que la dame ayant déposé l'œuf se fait capturer par Dennis Hopper, dont on apprendra qu'il incarne Koopa un peu plus tard. Mais nous voilà en 1993. On assiste à la galère des frères Mario, mais aussi à l'intimidation de Daisy (Samantha Mathis), paléontologue qui bloque un site de travaux de Scapelli, par ce même mafieux. Luigi croise par hasard la jolie femme, et se retrouve à l'inviter à dîner.
On en apprend plus sur tout le monde, Mario a une petite amie, dont j'ai mangé le nom, et Luigi a été élevé par Mario comme son frère. Daisy explique qu'elle est orpheline et que tout ce qui lui reste est une pierre bizarre. Histoire que l'on comprenne bien qu'elle est le bébé du début. On découvre aussi le duo Iggy (Fisher Stevens) et Spike (Richard Edson), envoyé ici pour capturer la princesse et voler la pierre. Seulement, ils ne sont pas futés et capturent diverses jeunes femmes.
Ce qui devait arriver arriva, Iggy et Spike arrivent enfin à enlever la bonne personne, mais par un concours de circonstance, la pierre se retrouve en possession des frères Mario. Qui eux-mêmes partent à la rescousse de Daisy. L'occasion de voir les premiers effets spéciaux, loin d'être risibles je trouve. Ce n'est pas très beau, c'est vrai, mais ils ont 30 ans. Dès lors, Mario et Luigi vont découvrir un monde crade, celui de Koopa (et non pas Bowser bizarrement). Ce dernier domine ce monde, et ne rêve que d'une chose, fusionner les 2 mondes pour vivre dans un monde propre, enfin.
Je m'arrête là niveau résumé. Comment parler de ce film désormais ? La réalisation de Rocky Morton et Ananbel Jankel n'est pas si mauvaise que cela, mais n'a rien de fou non plus. Les effets numériques idem. Le problème tient au fait que le scénario transpose de façon réaliste l'univers de créé par MIYAMOTO Shigeru. Ainsi, les Goombas deviennent en fait des immenses dinosaures bipèdes de 2,50 mètres de haut. Le roi devient un Champignon, et Toad (jamais cité en VF) un musicien paumé qui va guider les frères Mario au début de leur découverte de ce monde.
Le monde est vraiment sombre, et remémore les film post apocalyptiques comme "Mad Max". On y trouve du "Blade Runner", "Running Man", mais aussi les films sortis la même année que sont "Jurassic Park" et "Demolition Man". On retrouve un aspect sombre du premier film "Les Tortues Ninja" (dont le troisième film sortait aussi en 1993). Transposer de façon réaliste un univers vidéoludique est complexe. Et on perd ici toute les couleurs, la douceur du monde créé par MIYAMOTO. La distribution est clairement absente, Dennis Hopper en tête. Bref, d'un point de vue purement cinéphile, le film n'est pas une réussite.
Quand on regarde du côté joueur et joueuse, c'est pire. Rien ne va, et cette adaptation ne garde des jeux que quelques éléments dont les noms des personnages. Surtout repris de "Super Mario World" qui est sorti sur Super Nintendo en 1990 au Japon (1992 en Europe). Ceci donne un film hybride, qui ne trouvera fort logiquement jamais son public. Trop simple, voire mauvais, pour les cinéphiles, trop sombre et glauque pour le public vidéoludique du début des années 90 (essentiellement composé d'enfants de 8-15 ans).
Mais alors, son aura de film horrible, de pire adaptation de jeu vidéo, d'étron, est-elle justifiée ? Et bien j'ignore si c'est la nostalgie (malgré l'aspect glauque, le film avait un emprise fascinante sur moi), ou simplement que ce n'est pas la nullité annoncée, mais je le trouve loin d'être mauvais. Attention, je ne dis pas qu'il est bon. Juste que cette réputation de bouse qu'il se traîne est stupide. Pathé! Distribution le vend d'ailleurs comme un mauvais film sympathique (communément appelé "nanar"). Or, je ne suis pas d'accord.
Un nanar, tu rigoles, le côté mal fait de certains effets spéciaux, le scénario d'une stupidité exemplaire, le jeu de la distribution surfait, bref, un nanar va forcément te faire hurler de rire. Et bien que les nanardeurs et nanardeuses prétendent l'inverse, on rigole devant un film de ce genre en ce moquant toujours un peu de ce que l'on voit. Ici, je trouve que c'est propre. Oui, l'univers est complètement à l'Ouest par rapport à celui des jeux de Nintendo, oui, la distribution est à l'Ouest aussi, la réalisation n'est pas folle, le scénario est moyen, mais rien qui ne fasse hurler de rire. Ou alors il faut avoir le rire facile. Voire être imbus de sa personne, en étant persuadé d'être capable de faire mieux. Spoiler, 99,99% des personnes qui regardent ce film en s'en moquant sont incapables de faire pareil (avec les moyens d'époque).
Un point, un seul point donne du crédit à ce film. Les animatroniques. Voir Yoshi s'animer, quel kiffe. Les Goombas, ou Koopa Troopa, on ne sait pas trop, sont moches, mais spectaculaires. Les effets numériques sont aussi impressionnants. Oui, Steven Spielberg va humilier ce film avec son "Jurassic Park", mais pas avec les mêmes moyens. De plus, on y trouve de l'action, avec des courses de voitures dignes de "Mad Max" en ville, qui oui n'ont rien à faire dans l'univers Mario. L'humour, un peu léger, fonctionne. Avec quelques dialogues marquants en VF. J'oubliais aussi, les décors sont impressionnants.
Ah, je viens de lire sur la fiche wikipédia du film qu'il était bien sorti au cinéma en France. Il fût logiquement un échec, devant son incapacité à viser un public précis. Difficile de voir les enfants y aller. Les cinéphiles lui préféreront les films déjà cités qui sont sortis en 1993. Et pourtant, pourtant, je trouve que ce n'est pas le mauvais film annoncé. Je ne le considère pas non plus comme un nanar. Il n'y a rien ici qui provoque l'hilarité au dépend du film. Tout le jeu de la distribution, que la VF atténue peut-être (ou empire, je ne me rends pas compte), n'est pas fou, c'est vrai, mais ça passe.
Possédant une aura injustement faible, ce film n'est ni bon, ni mauvais. Il possède une sorte de "patine" digne des années 90, avec cette vision glauque et sombre du monde. Vision qui n'a clairement pas sa place dans une œuvre estampillée "Mario". Pourtant, on a 1h40 sympa, qui offre des images délirantes, sans en provoquer la moquerie. Les clins d'œil aux jeux sont marrants, agréables à trouver. Après, je reconnais que sans les noms issus du jeu, le film serait passé totalement inaperçu et ne présenterait aucun intérêt. Ce qui est un peu paradoxal. Cette vision, plus de 20 ans après ma dernière, fût sympathique. Bluffante dans ces effets spéciaux (oui, même les numériques), le film manque malheureusement de tout. Il manque d'implication de la distribution, d'un scénario captivant, d'un minimum de cohérence avec les jeux vidéo (c'est beaucoup trop glauque).
Dans quelques années je le reverrai avec plaisir pour découvrir ce que donne la version originale sous titrée en français. En attendant, il m'est impossible de vous le conseiller tant il est mauvais-moyen. Pas nul contrairement à ce que tout le monde peut dire. Juste pas terrible. J'ai pourtant aimé, sans l'adorer.
@+
Vidéo de Karim Debbache