Cultivons la curiosité
2017 est une année un peu particulière pour les États-Unis d'Amérique. Passer de 2 mandats de Barack Obama à Donald Trump, avouez que c'est rude comme cassure politique. Et même si l'écriture, et certainement le tournage, du film eurent lieux avant l'élection du monsieur orange, le timing est plutôt bon. Je ne vais pas trop faire de politique, mais même sous Barack Obama, des personnes Afro-Américaines assassinées sans raison, ou de façon moins abrupte victimes d'injustice ou racisme, il y en a eu. Dans les années 70, afin de tenter de revaloriser l'image des Afro-Américains, la Blaxploitation a enfin mis en avant des actrices et acteurs noirs. Dans des rôles importants, pas seulement de méchants ou de faire-valoir.
Jordan Peele est, avant 2017, connu pour sa série humoristique "Key & Peele" où il partage l'affiche avec Keegan-Michael Key. Lorsqu'il se décide à franchir le cap et partir au cinéma, ce n'est pas l'humour qu'il va choisir, mais plus l'horreur dite "psychologique". Scénariste, producteur et réalisateur, il fait tout. N'hésitant pas, je pense, je suppose, je ne sais pas, à mettre un peu de son expérience personnel dans un film marquant. Alors, attention, si vous ne connaissez rien du film, que vous ne voulez pas en savoir trop avant de le voir, ne regardez pas la bande annonce suivante. Elle en révèle pas mal je trouve. J'ai vu ce film sur Netflix, en verison originale sous titrée en français comme la vidéo ci-dessous.
Vidéo de Universal Pictures France
Alors, le film débute par un monsieur qui cherche une adresse, la nuit, dans un quartier tranquille. Une vieille Porsche fait demi-tour après l'avoir croisé (il est à pied) et se porte légèrement derrière lui. Pas tout à fait à sa hauteur quoi. Absolument pas rassuré, il rebroussera chemin, avant de se rendre compte que le chauffeur (oui, c'est un homme) n'est plus dans son véhicule. L'homme, un jeune Afro-Américain, va se faire enlever par un mec casqué. Puis mis dans le coffre de la Porsche.
Nous voilà en train de découvrir Rose Armitage (Allison Williams), qui sent que son petit ami Chris (Daniel Kaluuya) n'est pas serein. Comme Afro-Américain, l'idée d'aller à la campagne rencontrer les parents de sa petite amie l'angoisse un peu. Heureusement, elle le rassure et les voilà parti·e·s. Sur la route, un cerf va percuter le gros SUV conduit par Rose. L'occasion de constater un peu plus tard, que les forces de l'ordre n'aiment pas trop les noirs par ici. En demandant son permis de conduire à Chris alors qu'il n'était pas au volant.
Passons, car une fois arrivé chez les (riches) parents de Rose, bah ça va, ce n'est pas horrible. Bon, on a droit à du racisme malheureusement ordinaire, mais Chris semble s'en accommoder. Il tique un peu sur le fait que le jardinier et la gouvernante soient noir·e·s, ce qui fait un peu cliché de la petite bourgeoisie blanche, mais passons. L'ambiance va commencer à se tendre lorsque Jeremy (Caleb Landry Jones), le frère de Rose, arrive. Il cherche de suite à prouver on ne sait pas trop quoi. Son comportement inapproprié est mis sur le dos de l'alcool.
Argh, problème, il se trouve que le week-end où Rose a décidé de franchir le pas de présenter son petit ami à ses parents, et bien c'est un week-end spécial. Tout le cercle familial et amical se donne rendez-vous pour une grand messe annuelle, blindée de riches personnes blanches. Ah, non, il y a quelques personnes noires aussi, mais en forte minorité. La nuit juste avant l'arrivée de tout ce monde, Chris a fait des drôles de rencontre, Walter (Marcus Henderson) le jardinier qui se tape un gros footing à 4h du mat'. Et Missy (Catherine Keener), la maman de Rose, qui décide de faire ce qu'elle sait faire, à savoir hypnotiser, l'air de rien, Chris.
Ce dernier se réveille en sueur. Ouf, ce n'était qu'un mauvais rêve. Sauf que le cauchemar pourrait bien débuter avec l'arrivée des ami·e·s des Armitage. Il va falloir sociabiliser avec la caste bourgeoise. Dès lors, on sent que l'ambiance qui commençait à monter, va prendre une autre dimension et devenir vraiment pesante. Les regards en coin, les gens trop enthousiastes concernant les capacités des Afro-Américains, tout ceci semble cacher quelque chose, que je vous laisse découvrir. Car c'est vraiment à ce moment-là (visible dans la bande annonce, le fameux "Get Out") que ça va glisser vers l'horreur.
Sachez que les professions des parents de Rose sont importantes, mais aussi que Chris n'est techniquement pas seul, vu que son collègue et meilleur ami, Rodney (Lil Rel Howery), reste en contact téléphonique avec lui. Et je vais m'arrêter là pour ne pas trop en dévoiler. Je pense que depuis 2017, vous devez peut-être savoir ce qui arrive dans cette seconde partie, mais ne sait-on jamais.
Il y a techniquement 2 films. Sur les 1h45 du long métrage, je dirai que bien la moitié (ou un peu moins), sert d'exposition. Poser les personnages, l'ambiance, on sent que ça peut bien se passer, mais des détails font dire à Chris qu'il doit se méfier. Puis, une fois le "Get Out" prononcé (vous comprendrez), on plonge peu à peu dans l'horreur psychologique. Le film n'est pas très gore, d'où ce terme. Mais effectivement, un peu comme un Danny Boyle, ou le début de "Funny Games" de Michael Haneke (le début hein ?), à un moment ça part en vrille. C'est plus subtile, moins abrupte chez Peele, mais c'est ainsi que je l'ai perçu.
Le thème principal est le racisme. N'y coupons pas. Quand une jolie famille, parfaite (Dean (Bradley Whitford) est neurochirurgien, sa femme est psychais pas quoi, ils ont une fille et un garçon, la famille archi parfaite que l'on voit sur les prospectus des racistes) ne fait pas trop de simagrée quand sa fille emmène un homme noir, oui, c'est bizarre. Ah, on peut aussi le rapprocher de "Hostel" (Eli Roth, 2005), qui est plutôt normal au début, mais dont le dernier quart d'heure est horrible. Bon, ça ne part pas aussi loin, mais j'y ai un peu pensé. Et là, je vous en aie trop dit.
Oui, "Get Out" est un film d'horreur, mais une horreur différente de l'aspect visuel d'un "Saw", ou de ses suites, car en fait "Saw" ne montre pas grand chose. Ou qui au contraire ne montre pas grand chose comme dans "Paranormal Activity" du même producteur que "Get Out". Il se différencie par cette horreur psychologique, où l'on ne sait pas si Chris se fait des films ou si il a raison de se méfier. Personnellement, je regrette une fin chiche en explication, notamment sur l'obtention de la voiture de Police, mais ce genre de fin est typique des films d'horreur. Le reste est excellent.
Dans la bande annonce, j'ai constaté que des choses sont cachées alors qu'elles sont visibles à la fin, et elles sont cachées de façon habile. Je parle de la cicatrice pour celles et ceux qui auraient vu le film. La montée en tension est parfaitement gérée, tout comme le rythme, et pour une première réalisation, Jordan Peele reste clair et propre. Son scénario est bien ficelé, et si il ne contient pas d'image forte (en dehors de la "plongée"), il reste marquant et plaisant à voir. On passe 105 minutes agréables et je vous le conseille. J'essaierai de voir les autres réalisations de Peele, "Us" et "Nope", mais ce sera pour plus tard. En attendant, j'ai beaucoup aimé et vous le conseille à nouveau.
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