Cultivons la curiosité
En ce jour particulier, profitons de l'envie de se faire peur pour parler d'un film d'horreur. Film qui marquera le début d'une franchise composée de 8 épisodes à ce jour, "Saw" est avant tout un projet indépendant de deux amis Australiens. Bon, James Wan est Australo-Malaisien, mais Leigh Whannell est bien de cette nationalité. Le duo se chargera du scénario, Wan sera seul à la réalisation tandis que Whannell prendra un des rôles principaux du film. C'est d'ailleurs à la fin du mois d'Octobre 2004 que "Saw" sort dans les salles obscures étasuniennes.
Ce film atteint presque les 100 minutes et s'avère être la première réalisation étasunienne de James Wan, qui est connu pour "Conjuring : Les dossiers Warren", "Insidious", "Fast & Furious 7" et "Aquaman". Le réalisateur aura des budgets plus confortables pour ses 2 films suivants, les excellents "Dead Silence" et "Death Sentence", qui se vautreront au box office, forçant Wan à repartir dans le cinéma indépendant à petit budget avec le succès "Insidious". Je précise tout ceci car je pense que James Wan est mon réalisateur préféré, même si sa première mise en scène est composée de quelques trucs mal fait. Mais regardons la bande annonce en version française, tandis que j'ai vu ce film en version originale sous titrée en français.
Vidéo de Bandes Annonces
Imaginez un instant, une baignoire crasseuse se vide, un personnage en ressort frôlant de peu la noyade. La pièce est dans le noir complet, et vous sentez que vous êtes enchaîné.e par votre pied. Tandis que vous vous interrogez, une autre personne parle, essaye d'être rassurante avant que celle-ci ne trouve finalement comment allumer la lumière. Après avoir recouvré.e la vue, vous constatez avec effroi que la salle est dégueulasse, mais surtout, un corps sans vie gît dans une marre de sang au milieu de cette pièce.
Après une tentative de rompre vos liens, vous trouvez une cassette dans votre poche, votre compagnon d'infortune en a lui aussi une. Un magnétophone est d'ailleurs dans une des mains du cadavre, l'autre main contenant un pistolet. Il se trouve que vos cassettes respectives annoncent un jeu malsain. Le docteur Lawrence Gordon (Cary Elwes) doit tuer Adam (Leigh Whannell) avant que l'horloge (neuve) indique 06h00. Si tel n'est pas le cas, la famille du docteur sera abattue par le maître du jeu particulièrement malsain.
Le film ne se déroule pas que dans cette pièce glauque, vu que des flashbacks viennent nous conter une histoire qui montre que Lawrence ou Adam ne sont pas forcément de gentilles petites personnes. Mieux, le docteur a déjà été confronté à cet assassin qui est nommé "le meurtrier au casse tête" (je préfère le "Jigsaw" qui donne son nom original au film, mais passons). Il se trouve que la police l'a pris pour ce personnage malsain.
Ainsi, nous constatons que Jigsaw a pour but de redonner le goût de la vie à ses victimes. Ceci en leur faisant frôler la mort. À travers des pièges toujours plus malsains les uns que les autres. Le piège à loup inversé ne manquera pas de vous marquer à vie. D'ailleurs, concernant ce passage, nous avons beau savoir que nous suivons la seule victime à s'en être sortie, on ne peut pas s'empêcher de ressentir une immense empathie pour elle.
Ceci nous permettra de suivre le duo d'enquêteur, Tapp (Danny Glover) et Sing (Ken Keung) poursuivent Jigsaw et croient même le tenir en la personne de Lawrence. Si on ajoute la très rare médecin légiste Allison (Dina Meyer), on se retrouve, dans les phases d'enquêtes, face à un pur Thriller, comme "Seven" ou "Le masque de l'Araignée". D'ailleurs, le premier semble être une source d'inspiration dans les mises à mort de certaines victimes. Les lieux, la photographie, la mise en scène du cadavre, je trouve que ça rappelle le film de David Fincher.
Au niveau enquête et ambiance malsaine, j'ai aussi pensé au jeu vidéo "Condemned". En moins angoissant dans "Saw", mais quand même. Malgré ces inspirations, le film possède aussi de bonnes idées. La scène de l'appartement d'Adam, dans lequel ce dernier se déplace dans le noir grâce au flash de son appareil photo argentique. Avant de se faire enlever par un effrayant personnage qui ne manquera pas de vous rappeler "Doubt" ou "Judge" si vous connaissez les mangas de TONOGAI Yoshiki.
Ce qu'il faut savoir sur "Saw" c'est qu'il sera le précurseur d'une vague de gore et torture-porn qui envahira les salles obscures à compter de 2005. Le film de James Wan ne crée pas le genre, mais le rend populaire. Une fois de plus, les suites de "Saw" chercheront la démesure qui les rendront lassants et trop à la recherche du sensationnalisme. Mais ce premier film possède un charme et une tension qui ne cesse de monter en puissance.
Et ceci jusqu'à nous offrir un double twist final qui ne manquera pas de surprendre tout le monde. Quand le thème de Jigsaw se joue pour la première (et dernière) fois du film, on sent qu'une franchise vient de naître. Dans le sens où les plus grands films d'horreur possèdent une identité musicale forte, et j'irai plus loin en disant que la plupart des sagas horrifiques ont un premier film exceptionnel avant de chuter fortement en qualité.
Au niveau des défauts, parlons de certaines scènes complètement pétées. Je pense notamment à la course poursuite en voiture entre Jigsaw et l'inspecteur Tapp. On voit juste les personnages dans leurs automobiles, filmés en accéléré, sans jamais voir la course de l'extérieur. Ceci donne un effet comique gênant, qui sort du film. Ce sera le cas pour la scène du piège à ours inversé. On voit la victime se débattre en accéléré aussi, certes, ceci rend la scène malsaine, mais il me semble que la musique est plutôt mal choisie ce qui a tendance à me sortir de l'angoisse du film.
C'est bien dommage que ces scènes viennent un peu sortir les spectatrices et spectateurs. Car sinon, la réalisation est impeccable. On se retrouve captivé par l'histoire, en assemblant les pièces du puzzle. Il est appréciable de prendre le point de vue de la victime, et non pas des policiers. Les effets spéciaux sont excellents, en réels, et marquent. Pourtant, le film n'est pas gore. Oui, on voit des scènes éprouvantes, on voit du sang gicler (je pense à un personnage se prenant un coup de fusil à pompe dans le tête, sans que l'on voit tout), mais pas autant que ce que le nom laisse penser. La fautes aux suites. Même la grosse scène, qui arrive un peu avant la fin quand enfin les personnages s'énervent, on en voit peu.
Ce qui m'a le plus marqué dans ce film, si on passe la réalisation, le scénario malin et le cast impliqué (comment ne pas ressentir d'empathie pour les victimes, surtout à la fin avec le personnage qui se meut difficilement et tremble de douleur), ce qui m'a le plus marqué donc, c'est l'ambiance visuelle. La photographie de David A. Armstrong et les décors de Julie Berghoff sont juste parfaits. On pense au côté obscure des jeux vidéo "Silent Hill", c'est crasseux, rouillé, sombre. Ça marque d'autant plus que le sang est plus que réaliste.
Dernier point que je voulais aborder, et j'ai commencé en parlant de l'univers de "Silent Hill", c'est le côté vidéoludique, les inspirations tout du moins. J'ai déjà cité "Condemned" et la saga de Konami, mais quand Jigsaw dit "Game Over" à la fin, la découpe en niveau que l'on parcourt à travers les flashbacks, pas mal de choses remémorent les jeux vidéo. On évitera de faire le lien entre un Jigsaw encapuché avec une dague rétractable et "Assassin's Creed", sachant que la saga d'UbiSoft ne sortira que 3 années plus tard.
Allez, vite fait, je veux aussi parler de ces peurs enfantines que l'on a, avec le monstre du placard. La réalisation de James Wan est incroyable ici, quand Diana (la fille du docteur) a peur et va chercher du réconfort auprès de sa maman. Les jeux d'ombres, la peur de l'inconnu, le déplacement de la caméra, tout crée de la tension, et il est difficile de ne pas retenir son souffle. Encore plus que lors de l'enlèvement d'Adam dans son petit appartement miteux.
James Wan et Leigh Whannell posent en 1 film de nombreuses bases pour leur filmographie commune. "Saw", "Dead Silence" (avec la marionnette), "Death Sentence" (concernant la famille), les deux premiers "Insidious" (pour l'horreur angoissante), on sent la patte du duo et elle est excellente. À la réputation sulfureuse de film inutilement gore, ce premier épisode répond en ne plongeant pas dans cette surenchère sanguinaire qui peut rebuter. Avec un scénario malin, une réalisation efficace mais parfois bizarre, un cast impeccable, et surtout une ambiance générale crasseuse marquante sans provoquer la nausée. "Saw", premier du nom, est un grand film d'horreur. Capable de réinventer le torture-porn, quitte à en relancer l'exploitation à travers différents médias (Cinéma, Manga, Anime), il inspirera "Hostel", "Judge", et de nombreuses autres œuvres effrayantes. J'ai adoré ce film qui s'avère être un coup de maître pour un premier long métrage. Les bonus du DVD sont peu nombreux, mais hyper sympas, surtout la vision brute des coulisses de certaines scènes (de 15 minutes). Un film à voir si vous aimez les films asphyxiants, avec un twist qui ne manquera pas de vous retourner le cerveau.
@+