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Cultivons la curiosité

En Thérapie

En Thérapie

Le vendredi 13 novembre 2015 restera à jamais inscrit dans l'Histoire de France. Après une année 2015 particulièrement effrayante et sanglante dans l'Hexagone, l'horreur du terrorisme prendra une ampleur inimaginable jusque là. S'inspirant d'une série Israélienne de 2005 pour le concept, Éric Tolenado et Olivier Nakache créèrent "En Thérapie". Prenant comme point de départ le lundi 16 novembre 2015, nous allons suivre à travers 5 groupes de personnages, les séances de celles et ceux-ci. La série possède 35 épisodes variant de 20 à 30 minutes. Elle est disponible sur le site arte.tv jusqu'au 27/07/2021 gratuitement. Le lien est en fin de chronique.

Qui ne s'est jamais demandé ce qu'il pouvait bien se passer dans le cabinet d'un psychanalyste ? Qui ne s'est jamais demandé ce que pouvait ressentir les autres personnes, et pourquoi elles agissent ainsi ? La psychiatrie et psychanalyse m'ont toujours fasciné. L'étude du comportement humain, anthropologie de son nom, est une science qui m'a toujours attiré. Je ne sais pas, une question d'empathie envers les autres, une envie de savoir ce qu'il peut bien se passer dans leur tête.

Je me souviens rapidement des cours de philosophie, malheureusement donnés par un professeur au look un peu fou, et qui était peu passionnant. Pourtant, la philosophie aide, à travers certains points, à comprendre le comportement de l'humanité, de l'humain, de l'individu. Bon, c'est plus poétique et magnifié, mais j'avoue avoir eu une forme d’appétence pour cette matière, dans laquelle j'étais mauvais car peu enclin à lire des livres d'auteurs (et rarement autrices) pompeux/pompeuses. En plus je m'exprime mal, mais ça vous le savez déjà.

Alors quand on nous propose une série explorant les tréfonds des sentiments humains, à travers 5 thérapies différentes, l'offre ne pouvait pas se refuser pour ma part. Bon, malheureusement, la France est réputée pour ses acteurs, actrices, réalisateurs, réalisatrices, scénaristes, pompeux et pompeuses. Décidément, j'aime bien ce mot. Généralement, c'est le théâtre qui prend le dessus sur la direction d'un cast, et les mises en scènes sont rarement novatrices.

Pourtant, il existe des cas d'artistes arrivant à nous captiver avec un sujet peu passionnant. Arrivant à divertir tout en racontant une histoire forte. Tolenado et Nakache font partis de ceux-ci. Mais ils ne sont pas seuls. Ainsi, les épisodes seront tantôt réalisés par eux, mais aussi Pierre Salvadori, Nicolas Parisier et Mathieu Vadepied. Pour les scénarii, on reprend le duo qui a adapté cette série en France, et on ajoute David Elkaïm, Vincent Poymiro, Pauline Guéna, Alexandre Manneville et Nacim Mehtar. Cela en fait du monde, mais nous plonger dans une telle quantité de psychés nécessitait un travail d'écriture Pharaonique.

La série Israélienne originale (nommée "BeTipul") prend comme concept de suivre différentes thérapies, se concentrant à chaque épisode sur un (ou plusieurs) personnage(s). Mais un nombre contenu de personnage en même temps. Ceci permet de s'attacher plus facilement à eux, et d'évoquer un plus grand nombre de soucis. Je n'ai plus le terme exact désolé. Les créateurs de la version française ajoute le traumatisme des attentats du 13 novembre 2015 pour avoir un point de départ qui va provoquer de nombreuses choses.

Comme une grande première pour Adel (Reda Kateb). Le patient du mardi est policier à la BRI, il est entré dans le Bataclan et a fait un malaise le week-end suivant alors qu'il faisait un jogging avec un de ses ami. On le sent nouveau dans ce monde de la psychanalyse. Il essaie de mettre des barrières, d'avertir qu'il est là que pour rassurer son copain. Il jouera même un jeu d'enquête qui montrera quelqu'un de droit, mais qui doute. On le verra s'ouvrir au fur et à mesure. Sa description lors de son premier épisode (le deuxième de la série) de l'assaut du Bataclan est juste stupéfiante, effrayante, glaçante.

On va ainsi voir ses doutes, son passé douloureux enfuit au plus profond de lui, mais aussi on découvrira ce qu'est une thérapie, les codes, grâce à lui (et les patient.e.s du jeudi et vendredi, mais j'y reviendrai). Car en fait on débute le lundi suivant les attentats. Avec Ariane (Mélanie Thierry) en larme. On se dit que ça commence bien, c'est très théâtral avec cet effusion de larmes. Seulement Ariane est chirurgienne. En thérapie depuis un an chez le docteur Dayan (Frédéric Pierrot), elle vient de passer un week-end à bosser sans discontinuer afin de sauver un maximum de personne.

Elle n'arrive pas à trouver sa place dans son couple et a peur de l'engagement. Il semblerait qu'elle souffre d'un syndrome qui la fait aimer son thérapeute. C'est bien simple, ce personnage je l'ai détesté d'entrée, et mon avis ne changera pas de la série. Elle représente cette élite Parisienne qui se cherche, n'arrive pas à trouver le bonheur alors qu'elle a tout pour l'avoir. Et son souci date largement d'avant les attentats. Malgré le fait que l'on nous expliquera de nombreuses choses sur son passé, je ne l'aime pas.

Tout le contraire de la patiente du mercredi. Camille (Céleste Brunnquell) est une nageuse de classe Olympique de 16 ans. Elle a toute ses chances pour Rio (les J.O. de 2016), et a malheureusement été victime d'une accident de la circulation qui lui fractura ses deux avant bras. Bon, son rêve Olympique n'est pas perdu, mais on lui demande de faire une contre expertise car l'assurance estime qu'elle a des pulsions suicidaires.

Ici, nous avons à faire à une personne directe. Une jeune adolescente brillante, qui a des soucis issus de sa profonde enfance. Un père artiste qui a quitté sa mère, cette dernière ayant beaucoup de mal à s'en remettre et tombant dans la dépression. Il se trouve que Camille aura déjà vécu énormément de choses peu sympathiques pour son jeune âge. Elle est indéniablement la plus touchante du lot, car la plus "vraie".

Reste le couple du jeudi. Léonora (Clémence Poésy) et Damien (Pio Marmaï) se demandent si le futur bébé à venir trouvera sa place dans leur foyer. Elle est une banquière qui fait carrière, femme d'affaire au talent certain, alors que Damien est plus écologiste, cherchant à lancer sa franchise de boutique pour "manger bien".

Tout les oppose. Et pourtant, ils sont ensembles et essaient de comprendre comment vivre le fait qu'ils soient si différents. Lui est jaloux, cela en est maladif, il ne croit pas en la thérapie. Elle essaie de sauver son couple, tout en se demandant si cet enfant supplémentaire est une bénédiction ou plutôt une malédiction. Ce couple nous permet de comprendre le mécanisme qui pousse à la trahison de l'adultère. J'en révèle un peu, mais il est vrai que l'on constate la complexité des sentiments humains, poussant à franchir un pas capable d'anéantir un couple. Damien est un coup détestable, un coup appréciable. Léonora semble renfermer un lourd secret, un lourd passif l'obligeant à presque s'autodétruire ou du moins se rabaisser.

Vidéo de ARTE Presse

Non, mais il fallait faire une petite pause en vidéo. Car le vendredi, en vérité, on ne voit pas de patient ou patiente. Juste le docteur Dayan renouant des liens avec Esther (Carole Bouquet). Après 12 ans sans se voir, il revient la voir suite aux évènements tragiques. Il a besoin d'un second avis et de libérer la pression. Esther est une ancienne thérapeute, veuve d'un ami de Dayan. On devine que tout ce monde s'est quitté en froid, et on saura en partie pourquoi le long de la série.

C'est ici que la série, lors de son épisode 5, commet un faux pas selon moi. Le docteur Dayan était jusque là une personne neutre. À laquelle la spectatrice et le spectateur pouvait s'identifier. Lors de cet épisode on perd cette neutralité. On sait ce qu'il pense de ses patients et patientes, et on apprend même des choses pas sympas concernant son avis sur Ariane. Pire, il me semble que ça s'achève sur une grande colère. D'ailleurs, on verra souvent la colère interrompre des séances.

C'est lors de cette épisode que l'on apprend qu'Ariane est certainement amoureuse de son thérapeute, ce qui ne semble pas déplaire à celui-ci. Le long de la série, nous en apprendrons plus sur sa vie de famille, sa femme qui part souvent à Strasbourg, ses enfants qui grandissent, et lui qui essaie de pratiquer sa science malgré le chaos ambiant.

Que dire de cette série ? La réalisation en quasi huis clos offre une intimité à laquelle nous ne pourrons jamais assister sans être patientes, patients ou thérapeutes. Au début, ça peut apparaître comme du voyeurisme, mais la réalisation (qu'importe le ou les réalisateur.s) aide à ne pas se sentir de trop. L'interprétation générale est juste magistrale. Parfaite. Mention spéciale à Frédéric Pierrot qui interprète à la perfection ce thérapeute capable de ne pas juger ses patientes et patients, et qui essaie de les accompagner dans leur volonté respective de se comprendre.

Si le point de départ est les attentats du 13 novembre 2015 et qu'ils sont souvent évoqués, ils ne sont pas le point principal de la série. Pour Camille par exemple, ils seront évoqués, mais pas importants. Je crois même que Léonora et Damien n'en parlent presque pas. Ariane passera longuement le premier épisode dessus, tout comme Adel, mais après on en apprendra plus sur les passés de ces personnages. Celui d'Adel étant particulièrement marquant je trouve.

Le sexe aura peut-être, ou du moins à mon goût, un peu trop d'importance. C'est bien simple, tout le monde parlera de sexe. Sans exception. Que dire de Dayan qui introduira sa conversation avec Esther sur des sous entendus étonnamment sexués. Que dire aussi des marqueurs profonds de certaines patientes, car oui, étrangement ce seront les patientes les plus choquées par ça et leurs "premières fois" notamment, qui sont dues à des relations très choquantes. Que ce soit Ariane ou Camille. Même Léonora aura un rapport au sexe assez brutal. Bon, j'en révèle trop, il est donc temps de conclure.

Jamais pompeuse, la série ne nous prend pas de haut. Au contraire, elle nous accompagne dans le monde délicat d'un thérapeute, nous ouvrant les portes d'un cabinet dans lequel on ne peut entrer habituellement. On saisit les codes de la psychanalyse au fur et à mesure, afin de bien les assimiler. Normalement, je déteste quand ça gueule, quand ça s'énerve, peut-être est-ce dû à une peur enfantine ? Je ne sais pas. Mais ici, même dans les instants de colère, on comprend, et on reste pour voir ce qu'il va advenir. Voir comment le docteur Dayan va aider ses patientes et patients.

Les attentats servent bien de point de départ, et il sera question de détails horribles qui pourront choquer. Le récit de l'entrée au Bataclan de Adel est glaçant. Mais il est surtout question d'hommes et de femmes, cherchant à comprendre certaines de leurs réactions. Des réactions qui pourraient paraître incongrues ou stupides si on regarde les personnages de loin. Mais grâce à la série on ressent de l'empathie pour elles et eux. Même si je déteste Ariane, je comprends ses réactions, je m'attache à elle malgré tout.

Et c'est la force de cette série. Nous conter diverses tranches de vie, peu reluisantes, mais qui nous permettent d'avoir une foi en l'Humanité que l'on ignorait. On voudra même essayer de comprendre nos propres réactions, de chercher le point qui fait que l'on agit ainsi aujourd'hui. Un cast époustouflant, des réalisateurs arrivant à captiver l'attention même quand l'action ne se déroule que dans une petite pièce (soit environ les 3/4 de la série), des scénaristes ayant fait une recherche incroyablement fouillée sur la psychanalyse et la psyché humaine. Vous obtenez une série rude à voir, parfois drôle, souvent touchante. Bref, à découvrir de toute urgence, surtout si comme moi, vous aimez essayer de comprendre les réactions des autres. J'ai adoré.

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