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Cultivons la curiosité

Demande à Modigliani ! - Tome 2

Demande à Modigliani ! - Tome 2

Retournons donc à l'université où l'on accueille tout le monde, même les imbéciles. Si AIZAWA Ikue a tendance à jouer sur cette note humoristique pour décrire l'université de Tôhoku, le sujet abordé s'avère plus grave et adulte. Cette université, je n'avais pas fait attention en lisant le premier tome (bien qu'un immense indice soit donné dans le très émouvant dernier chapitre), mais elle est située dans la région de Sendai.

 

Un nom qui doit vous dire quelque chose. Sinon, vous confirmez les craintes d'un des personnages. Celle de l'oubli de la catastrophe de Fukushima. Oui, comme il est clairement indiqué que la région intègre la préfecture de cette ville, je n'ai plus de crainte de révéler quoique ce soit. Motoyoshi, l'aîné du trio que nous suivons, a d'ailleurs perdu sa famille dans ce moment horrible. AIZAWA s'évertue à nous montrer comment ces étudiants en art arrivent à projeter leurs peurs, craintes, interrogations, mais aussi blessures, dans leurs créations.

 

Sachez cependant que la catastrophe n'est absolument pas centrale de ce récit. Il y est plus question de jeunes adultes, qui aimeraient bien vivre de leur art, certains sont ultra talentueux, d'autres compensent en travaillant 2 fois plus. Seulement, quid de l'avenir ? Persister quitte à vivre dans la difficulté financière si votre art n'est pas immédiatement reconnu ? Ne plus peindre, sculpter, faire des mosaïques, que pour le plaisir, sur son temps libre ?

 

Mieux, la mangaka part carrément dans l'esprit de ses personnages, pour nous montrer, sans filtres, leurs pensées. Ainsi Fujimoto va à nouveau jalouser une personne de son entourage. Il va se demander si c'est normal de penser ainsi, d'avoir des accès de jalousie au point de vouloir tout détruire. Il va même essayer de se rassurer à travers le regard porté par ses amis et sa petite amie. Se disant que si ils (et elle) l'aiment, c'est qu'il ne doit pas être si mauvais que cela.

 

Vous l'aurez compris, on entre dans un monde qui nous conte juste le quotidien de Chiba, Fujimoto et Motoyoshi, mais en nous relatant la complexité de leurs sentiments, et surtout leurs interrogations qui sont nombreuses. Un peu comme tous les jeunes en vérité. Sauf qu'ici, l'aspect "sans avenir" de l'art, dans le sens où on nous explique que même pas 30% d'étudiant.e.s arrivent à s'en sortir après leur cursus scolaire, provoque de nombreux doutes chez nos protagonistes.

 

Ici, le côté familial sera un peu plus présent. Nous verrons la maman de Chiba, qui parle certainement un dialecte de Fukushima en version originale. Vu comment est retranscrit son accent en français. Pour Motoyoshi donc, on le sait, sa famille a péri dans la catastrophe du 11 mars 2011. Tout comme l'ancien ami que notre trio avait étonnement en commun, Ryô/Akira (lisez le chapitre 7 du premier tome pour comprendre). Il nous avait donné une histoire montant en pression, avec un final très fort en émotion je trouve.

 

Enfin, les parents de Fujimoto ne semblent pas vouloir qu'il continue ainsi. Depuis que sa sœur est mariée, c'est lui qui prend toutes les attentes de son père sur les épaules, et ça explique pourquoi il a tendance à vouloir réussir à tout prix. Oh, oui, concernant le titre du manga, Modigliani est donc un artiste du début du XXè siècle qui a obtenu un reconnaissance post mortem. Dans ce tome, les étudiant.e.s voient un film retraçant son parcours houleux. Ce qui énerve le très bouillant Chiba, qui lui vouera limite de la haine. Or, dans le lien qui existait entre Picasso (le maître qui réussissait tout) et Modigliani (l'artiste qui végétait), on a le même rapport entre Motoyoshi et Chiba. Ceci donnera lieu a un très bel échange quand le premier évoquera ses aspirations dans le cadre d'un exposé en classe.

 

Ah, je n'ai pas parlé du dessin. Qui est très joli. C'est un style réaliste inhabituel pour un manga, et on a droit à pas mal de gros plans, ce qui peut déstabiliser. Mais ceci convient parfaitement à l'histoire. Que dire des œuvres montrées (celle de Chiba est magnifique), ainsi que des croquis et des tests que l'autrice montrera ? Le boulot est immense, et AIZAWA Ikue montre, dès sa première série et malgré son jeune âge, une belle maîtrise de la mise en scène et du cadrage. Elle arrive à faire passer les émotions, les doutes, de ses personnages, et c'est très très fort.

 

Une fois de plus, et bien qu'elle explique dans les pages bonus que ce deuxième tome fût effrayant à faire, elle s'en sort haut la main. Je pense (sans pouvoir l'assurer), que la mangaka pose pas mal de ses interrogations ici. Ou de ses ami.e.s étudiant.e.s. On sent à travers ses tranches de vie, qu'elle sait de quoi elle parle, ce qui explique la justesse avec laquelle elle expose les doutes sur l'avenir des artistes notamment. C'est donc un régal à lire. Par contre, je ne sais pas si ça peut convenir ou nom à un public adolescent, genre moins de 15 ans notamment. Ce n'est pas un manga d'action ou de romance, juste des jeunes adultes qui effectuent un cursus menant vers peu de débouchés. D'où leurs doutes et craintes. À lire une fois que vous savez cela.

 

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