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Cultivons la curiosité

Demande à Modigliani ! - Tome 1

Demande à Modigliani ! - Tome 1

Le manga que nous allons voir aujourd'hui, et plus généralement cette série de 5 tomes, marque un point important. Si naBan éditions se sont fait connaître pour leur réédition magistrale de "Old Boy", elles ont débuté par une toute autre localisation. C'est fin novembre 2019 que paraît la première œuvre du nouvel éditeur. "Demande à Modigliani!" emmène en France une mangaka alors peu connue du grand public, AIZAWA Ikue.

 

Il faut dire que l'édition normale préfère des mangas plus spectaculaires, qui parlent plus à un public essentiellement adolescents (ou tout du moins pour de jeunes adultes). Or, comme nous avons pu le voir dans son one shot (désignant une histoire tenant sur un seul tome) "Bienvenue au café des chats!", AIZAWA adore relater des tranches de vie, pas forcément palpitantes. Mais à travers une écriture efficace et la sincérité de son propos, la mangaka arrive à parler des maux de la société japonaise (on peut même extrapoler à "mondiale") avec justesse.

 

Tout comme naBan éditions, "Demande à Modigliani!" est sa première œuvre. Créée en 2016, elle s'étendra sur 5 tomes. Pour notre version française (désolé, je ne me suis pas renseigné sur la version originale), nous avons un grand format (pour un manga), proche de celui de "Azumanga Daioh" ou les versions respectivement Perfect et de Deluxe de "Dragon Ball" et "City Hunter". Tout ça pour 10,90€ en 2023 (j'écris ses lignes en décembre 2023 pour info). Soit dans les prix des 2 séries citées. Et ceci pas au détriment du papier, qui est d'excellente qualité. Ce n'est pas la feuille transparente de la Star édition de "Slam Dunk".

 

Bref, pour une première série, en terme d'objet, naBan éditions frappent fort. Et donc le prix ne doit pas être un frein. Une fois ceci en tête, il faudrait peut-être voir à expliquer de quoi il s'agit ? Déjà, j'ai appris que Modigliani était un peintre du début du XXè siècle, qui, comme de nombreux artistes post-télévision (avant 1950, date que je donne au pif absolu parce que pourquoi pas), n'a obtenu la reconnaissance de son art qu'après son décès. Ceci donne le ton du livre, qui va nous faire suivre 3 étudiants en art.

 

Nous sommes quelques part dans la région de Tôhoku, il existe une petite université qui accueille tout le monde, même les imbéciles (c'est dit ainsi dans l'histoire). Tout le monde se connaît au pire de vue, et nous allons découvrir sur les 3 premiers des 7 chapitres de ce tome, nos 3 protagonistes. Chiba, Fujimoto et Motoyoshi. Ils étudient divers arts, et sont en 2è année. On découvre Chiba en train d'apprendre à concevoir un petit poisson en verre, et on constate que le garçon est assez maladroit et qu'il a tendance à ne pas trop réfléchir. Fujimoto lui est plus calme, là où Motoyoshi (surnommé "Mo") est le plus âgé de la bande. Ce dernier possède un traumatisme, ayant perdu sa famille dans une terrible catastrophe.

 

D'ailleurs, le dernier chapitre ne manquera pas de marquer lectrices et lecteurs. On nous fait monter la pression en apprenant que les 2 amis les plus jeunes connaissaient un certain Ryô, qu'ils ont perdu de vu. Et alors que l'on découvre leur passé avec Ryô, Motoyoshi va donner un indice sur ce qu'est devenu cet ami d'enfance. Honnêtement, je ne m'attendais pas à ça. Surtout que Mo délivre l'information avec un côté détaché qui ne permet pas d'anticiper quoique ce soit.

 

Je pense que ce dernier chapitre montre les grandes qualités de ce manga, et de AIZAWA en général. Elle est capable, à travers juste une tranche de vie, de nous faire ressentir le quotidien de personnes attachantes, leurs questionnements, puis de donner une information qui ne manque pas d'interroger le lecteur ou la lectrice sur la vie en général. Le tout délivré avec une émotion juste. Sans en faire trop (bien que Chiba soit très expressif).

 

Il y est question de savoir ce que l'on veut faire de son avenir. Indirectement de la pression que peut mettre la société, même si ici il n'en est pas trop question. Les interrogations que peuvent avoir les artistes, concernant les beaux arts, mais que l'on peut très facilement étendre aux auteurs, autrices, actrices, acteurs et j'en passe. On sent que la jeune mangaka se pose mille questions aussi (elle n'a que 23 ans quand paraît le tome 1 que nous voyons aujourd'hui). Peut-être est-ce moi qui pars trop loin dans l'analyse, mais les questions paraissent tellement pertinentes qu'il est difficile de ne pas voir l'autrice se livrer un peu ici.

 

Alors, le dessin est, quand à lui, surprenant. Beau, mais limite réaliste. Les gros plans sur les visages sont déstabilisants au début, puis ça passe. La façon qu'a AIZAWA de nous introduire les personnages permet de s'attacher à eux et elles immédiatement. Cette jeune étudiante qui verra Chiba essayer de la réconforter, la professeure qui va entendre l'histoire triste de Mo, celle aussi qui enseigne le vernissage (hyper dangereux à priori). Même le professeur un peu ronchon, que l'on voit peu, s'avère attachant.

 

Certes il y a moult personnages, mais tout gravite autour de notre trio. Et à travers leur quotidien, énormément de choses nous sont enseignées. Comme de ne pas juger aux premiers abords une personne. Ce sera le cas pour le futur camarade de classe de vernissage. Je vous laisse le découvrir. Il y a aussi le côté introspectif qui est divinement bien retranscrit. Et le passif de chacun (et chacune), qui peut expliquer certaines choses. Comme pourquoi Mo peint l'océan par exemple. Je pense aussi au plus timoré Fujimoto, qui va se poser une tonne de questions dès lors qu'il jalousera une camarade de classe.

 

Comment dire, comment vous donner envie de lire cette série ? Déjà, elle est plus adulte, et si certain.e.s ados pourront adorer, d'autres s'ennuieront. C'est en fonction des caractères. Mais je dirai que c'est plus à destination des lecteurs et lectrices en études supérieures ou adultes. Si vous aimez l'art aussi, c'est pour vous. Il y a pas mal d'humour, et comme je l'ai dit, les personnages sont ultra attachants. Il y est surtout question de fonctionnement de l'être humain. Les doutes que l'on peut avoir (et les artistes en possèdent des tonnes de doutes), les sentiments que l'on peut avoir, ou même une part d'anxiété sur l'avenir. Le dernier chapitre devrait vous achever et faire finir ce tome en larmes. J'aime énormément et vous le conseille, seulement dites-vous bien qu'ici il n'y a pas d'action, pas de choses surnaturelles, ou je ne sais quoi d'autres, ce sont juste des personnes que l'on suit au quotidien, qui font écho à nos vies respectives.

 

@+

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