Cultivons la curiosité
Cette fois-ci, c'est la bonne. Nous voici aux vrais débuts du cycle "Kaiju Eiga", "The H-Man" et "Battle in outter space" étant à part. Et compris dans un coffret qui nous servira un tout petit peu plus tard. En attendant, Mesdames, Messieurs, veuillez accepter un retour en arrière. 1956 pour être précis. Alors que la Tôhô décide que Gojira doit désormais reposer en paix pour l'éternité (pardon mais lol), la firme Japonaise ne va pas lâcher le filon des gros monstres qui cassent tout. Ainsi, après l'excellent "Godzilla" de 1954, et le moins bon "Le retour de Godzilla" de 1955, un nouveau monstre arrive. Rodan.
Du coup, 2 ans après avoir (ré?)inventé le genre du Kaiju Eiga, HONDA Ishirô revient mettre en scène un film de monstres (le Kaiju de Kaiju Eiga, Eiga étant film si j'ai bien compris). Grosse première, l'utilisation de la couleur pour ce genre de film. On ne dirait pas, mais ça va changer pas mal de chose, notamment sur la photographie et aussi les scènes en journée. Mais avant de débuter ce film de 1h22, parlons technique du support.
Nous sommes en effet devant un DVD Canal+ Vidéo. De 2001. Le DVD ne s'est vraiment démocratisé que depuis quelques temps, genre 2 ou 3 ans (personnellement mon premier lecteur DVD je l'ai eu en 2000 sur mon PC, puis 2001 pour la télévision avec la PlayStation 2). Passons. Donc, il arrivait à cette époque, que les DVD soit directement issus des versions VHS (cassette vidéo). Avec une légère amélioration, mais le cas d'aujourd'hui n'en a pas bénéficié.
Ainsi, nous voici face à un DVD de "Cinéma de quartier" (peut-être une émission du groupe Canal+ ? Flemme de chercher), avec le film "Rodan" de 1956, en 4/3, version originale sous titrée en français, mais des sous titres un peu flous, ce qui me fait dire que ce DVD est pompé sur la version VHS. Et le son, je préfère ne pas parler du son. Enfin si, un peu, les compositions de IFUKUBE Akira sont quasiment inaudibles, comme certains dialogues. D'ailleurs les sous titres ne s'embêtent pas trop, en nous "traduisant" les 3/4 des dialogues seulement. C'est donc dans des conditions assez lamentables (que l'on peut excuser, c'étaient les débuts du DVD) que j'ai pu découvrir ce film.
Vidéo de Media Graveyard
Je pense que la qualité vidéo du DVD est au niveau de cette bande annonce étasunienne (le film est sorti en 1957 aux U.S.A il me semble). D'ailleurs, sur les 2 minutes de cette bande annonce, quasiment tout vient de la dernière demi-heure. En effet, on se retrouve dans un petit village minier, près du Mont Aso. Les tensions dues au travail éreintant dans les mines poussent les hommes à bout, et un des mineurs a tendance à facilement se battre avec ses collègues.
Alors que la journée suit son cours, un homme est assassiné, à l'aide d'un objet pointu, et le bagarreur du début a disparu. On rappelle tout le monde à la surface, on fait l'appel, et effectivement, il manque bien Goro (je crois que c'est ça son nom). Les soupçons sont au maximum sur lui. Et un peu plus tard, à la suite d'une inondation de galerie, l'équipe chargée d'aller voir les dégâts est aussi assassinée. Goro (appelons le ainsi) est toujours absent, et c'est sa sœur (SHIRAKAWA Yumi) qui va prendre toute la haine des veuves. Heureusement elle est protégée par Shigeru (SAHARA Kenji), qui est aussi son petit ami je crois.
C'est bizarre quand-même, les meurtres ne sont pas dus à un humain. Et Shigeru, qui était allé voir Kiyo (la sœur de Goro), va faire une étrange rencontre. Un truc énorme qui les attaques. Dès lors la chasse est lancée, mais la bestiole (plus tard décrite comme une larve de Meganulon) est forte. Après une lutte acharnée, c'est grâce à la témérité de Shigeru que la larve sera tuée, ensevelie sous un tas de charbon. Manque de bol, il y en a d'autres. Retraite immédiate. D'ailleurs, Shigeru est retrouvé inconscient dans un cratère nouvellement formé (suite à un tremblement de terre).
Notre héros est amnésique, le choc post traumatique l'empêche de recouvrer la mémoire, et pourtant, ce qu'il a vu est... waouh quoi. On le verra plus tard. Car en effet, si depuis le début du film, nous sommes face à une lutte des mineurs, leur famille et les forces de l'ordre contre des créatures fortes, ce qui va arriver est immense. Un jeune couple partit faire des photos en fera les frais. Et les photos, une fois développées, offriront un début de réponse aux autorités locales. Un bout d'aile de ptéranodon, ptérodactyle, bref, dinosaure qui vole, a été saisie sur la pellicule.
Mais le problème est qu'un ptérodactyle mesure 7 à 8 mètres d'envergure, celui-ci semble être complétement disproportionné. Ceci permettra à Shigeru de recouvrer la mémoire, nous expliquant l'éclosion de ce que l'on nomme désormais Rodan. Ah, non, c'est l'éclosion de perruches qui rendra la mémoire à notre héros. Mais bon, les larves dangereuses du début (un peu plus grosses que des humains) sont riquiquis à comparer de Rodan.
Comment expliquer qu'un ptérodactyle de 200 millions d'années d'âge éclose maintenant ? Les essais nucléaires évidemment. Sans trop en savoir plus, on gardera cette raison comme déclencheur de l'arrivée de Rodan. Et dès lors, c'est destruction de maquette à gogo. Au début, juste une projection de Jeep. Puis une ville et un viaduc (que l'on voit dans la vidéo). Le tout, pour un film qui va sur ses 70 ans et sur un DVD à la qualité pourrie, est impressionnant. Vraiment très très impressionnant. Le détail des tuiles, la façon dont le viaduc se casse, tout est spectaculaire.
Pour les combats aériens par contre. Là ça a mal vieilli. Mais ils se regardent quand même. L'ultime idée consiste à provoquer une éruption, Rodan et Rodanette (ils sont 2, peut-être un couple, je n'ai pas bien suivi) ayant leur nid au creux d'un volcan. Le pire est que ça marche. Et là, malgré les catastrophes provoquées par le couple de ptérodactyles, il y a une forme d'empathie qui se créée auprès des 2 monstres. Déjà, je n'ai pas bien compris en quoi ils ne se cassent pas les 2 là, ils restent en attendant de se faire attraper par le magma. Peut-être y avait-il des œufs ?
Les voir choir et brûler, tout en criant de douleur, combiné aux héros (et l'héroïne) qui regardent choqué·e·s la fin de 2 immenses créatures. Animaux réveillés par la stupidité de l'Humanité, à vouloir essayer de développer une arme mortelle comme la bombe atomique. Voir les forces de défenses partir, tandis que les protagonistes du film n'arrivent pas à se réjouir de cette victoire est une image forte, puissante. HONDA est balèze pour ça. Aucun dialogue final ne viendra clore le film, qui s'achève par un costume de Rodan en train de brûler, devant des personnages aphones.
Si on passe le fait que ma version DVD du film est nulle en terme de qualité vidéo et sonore, le film mérite d'être vu. Il pose ses personnages, le lieu, la situation et les enjeux assez rapidement. Pourtant, on débute à hauteur humaine. Lutter contre la dureté de la mine, puis les larves, avant de se retrouver totalement impuissant devant les Rodan. Le jeu sur les échelles de taille est réellement spectaculaire grâce au début lent du film. Rodan n'arrive que dans le dernier tiers, et à partir de là, c'est action à gogo (sans Gogojira cependant).
On est avec les mineurs dans la mine, puis aux côtés de Kiyo quand le village manque de se retourner contre elle. Et enfin, avec les forces de défense lors de la lutte contre Rodan. Oui, on voit les câbles qui tractent l'homme sous le costume, mais pourtant, ça reste impressionnant. On passera sur les bruitages, qui rendent Rodan aussi bruyant qu'un avion supersonique, et on s'attardera plus sur la destruction de maquette, sublime.
Le DVD contient une introduction (de 5 minutes) de Jean-Pierre Dionnet et un entretien de 20 minutes avec Nicolas Saada. Malheureusement, ça sent un peu trop l'élitisme cinéphile, mais on apprend 2 ou 3 trucs sympas. Par contre il est quasiment introuvable ou se retrouve à des prix bien trop élevés pour la qualité proposée. Préférez-lui une version plus récente, si possible européenne, car la version étasunienne est plus courte (72 minutes) et insiste lourdement parait-il sur les essais nucléaires. Ironique quand on sait que ce sont les Étasuniens qui n'ont pas hésité à s’en servir en premier.
"Rodan" complète à la perfection le premier "Gojira". Il y a le même sujet antimilitariste, anti bombe nucléaire, sauf qu'ici c'est la nature qui permet d'éradiquer la menace. Le rythme est lent, pour mieux poser ses personnages et faire monter la tension. En effet, la menace devient de plus en plus difficile à vaincre. D'un homme ayant perdu la raison, on passe à une grosse larve, puis plusieurs larves, vient ensuite un immense ptérodactyle pour finir avec 2 ptérodactyles géants. Un peu comme "Battle in outter space", l'action arrive tardivement, mais quand elle est là, elle ne s'arrête plus. Les effets visuels conservent un aspect captivant, bien que l'on sache que ce sont des maquettes. Un film à voir, dans de meilleures conditions que cette version DVD que je vous déconseille. À voir j'estime. J'ai beaucoup aimé.
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