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Cultivons la curiosité

Yannick

Yannick

Réalisateur que je suis depuis un petit moment ("Steak" date de 2007 et j'ai dû le voir en 2009-2010), Quentin Dupieux fût un temps connu pour sa musique, sous le pseudonyme Mr. Oizo. Avec 12 films à son compteur (dont 7 vus depuis "Yannick", et un huitième possédé tout juste en BluRay), il est surtout prolifique depuis 2018 et son très bon "Au poste !". Qui est le premier film que j'ai vu de lui au cinéma. Après avoir loupé "Le Daim" en 2019 (toujours pas vu), j'ai eu la chance de pouvoir enchaîner "Mandibules" et "Incroyable mais vrai" dans les salles obscures, tandis que "Fumer fait tousser" (c'est lui que je viens d’acheter en BluRay) ne fut pas diffusé par chez moi.

 

Seulement, après "Fumer fait tousser" et avant son "Daaaaaali !", il a eu une idée. Rapidement écrit et aussi rapidement mis en scène (il y est question de 6 jours de tournage dans un théâtre parisien), "Yannick" allait briser le quatrième mur. On regarde une petite vidéo, et on en parle juste après.

Vidéo de Diaphana Distribution

Disponible depuis le 2 août 2023, "Yannick" part d'un principe simplissime. Alors qu'il assiste à une pièce de Vaudeville mal jouée et assez nulle, Yannick (l'exceptionnel Raphaël Quenard) n'y tient plus. Il se lève et coupe un spectacle qui lui donne plus le bourdon que de la joie. Hors, Yannick a une vie pas top en ce moment, il a posé 1 jour de congé (il est gardien de parking la nuit), fait 45 minutes de transport en commun plus 15 minutes à pied, pour assister à un spectacle sensé le divertir. Seulement, ça ne va pas, il déprime encore plus devant la pauvreté de l'écriture et le jeu des acteurs pitoyables.

 

N'hésitant pas à importuner les comédiens et la comédienne, ainsi que les spectatrices et spectateurs, il va expliquer son point de vue, ses sacrifices, et ce qu'il l'a poussé à bout, au point de franchir une ligne que personne n'ose casser. Finalement, après une grosse discussion, et beaucoup de condescendance de la part de la distribution, Yannick sort. Seulement, alors que le personnage de Pio Marmaï entame une imitation pathétique de ce qu'il vient de se produire, cela fait réagir la salle et provoque le retour de Yannick. Cette fois-ci armé, il va prendre en otage tout ce petit monde pour capter la lumière et montrer sa vision d'un divertissement.

 

Dit ainsi, ça peut paraître drôle, agréable à voir, même si il y a un côté dérangeant. Hors, c'est plus du malaise que l'on ressent lorsque Yannick revient. La faim justifiant les moyens, les personnages de Pio Marmaï, Blanche Gardin et Sébastien Chassagne vont devoir jouer le texte que notre protagoniste mettra un temps fou à écrire.

 

On pourrait voir en "Yannick" la prise de pouvoir des "petits", des gens de l'ombre. En fait, on peut y voir plein de chose, j'ai pensé notamment aux fans qui gueulent sur internet dès qu'un truc ne leur plaît pas, et arrivent à faire changer des points de scénario ou des sagas. Par exemple pour Star Wars IX qui devait être réalisé par Rian Johnson, le réalisateur du VIII. Mais passons. Car Yannick n'est pas aussi moderne que cela. C'est tout juste si il arrive à se servir d'un ordinateur (tout en ignorant ce qu'est un PC). Non, on sent que le personnage, pourtant la bonne trentaine, est simple, très simple.

 

Surtout, à travers le dernier acte, on sent à quel point Yannick a besoin de reconnaissance, de combler un vide. Orphelin, sa femme l'a quitté (à cause de ses horaires), et il était tout content d'assister à un spectacle en charge de lui faire oublier ses soucis. Seulement, la pauvreté proposée le poussera à s'autodétruire, si j'ose dire, car il sait très bien à la fin qu'il va mourir ou qu'il sera arrêté. Seulement, il a eu son petit moment de gloire et a pu exprimer toute sa peine à travers un texte maladroit. Texte qui prouvera que Quentin Dupieux n'a pas trouvé une fin convenable, vu que nous n'entendrons jamais la fin de la pièce.

 

C'est un peu comme ce scénario. Et là, il y a deux écoles. Soit vous en voudrez au réalisateur/scénariste/producteur de ne pas avoir su trouver une fin à son récit, soit, vous vous imaginez cette fin. C'est un peu comme cette remarque de l'actrice, indiquant que c'est une cuisine et pas une clinique, alors que Yannick lui répondra qu'il suffit d'avoir un peu d'imagination.

 

On notera aussi ce moment où Yannick sympathise (c'est vite dit, il a un pistolet à la main quand-même) avec le public. Ce qui irrite le personnage de Pio Marmaï (désolé, je n'ai pas retenu les noms). On y trouve de tout, un couple qui possède des auto-école et qui s'aime encore beaucoup malgré une non-importance du sexe. Une maman avec son fils angoissé, qui paradoxalement, ne panique pas (certainement grâce aux médicaments). Les deux amies qui sont là car elles ont eu les places gratuitement. Et cette personne âgée aigrie, qui refuse de se laisser faire.

 

On notera de nombreuses incohérences. La faute à une écriture trop rapide du scénario. Pourquoi cet abruti prête son ordinateur en connaissant son mot de passe et son fond d'écran ? Pourquoi, parmi les 20-30 personnes dans la salle, personne ne fait de crise de panique ? C'est peut-être une volonté de Dupieux de montrer à quel point on ne réfléchit pas dans ces cas, ou alors la forme de passivité que le public a l'habitude d'avoir dans une salle de théâtre (ou un cinéma) ? Je ne sais pas, mais comme la plupart des films du réalisateur, on ressort avec plus de questions que de réponses. Pire, la dernière image remémore des moments sombres que notre pays a dû affronter (en 2015 notamment).

 

Alors que dire ? Déjà, ce film, ou du moins son personnage principal, a trouvé une résonance particulière en moi. Je ne peux pas trop en dire, mais il est clair que quand on vit simplement, on retrouve en soi des traits de personnalité de Yannick. Aussi ce côté condescendant horrible que la distribution d'une pièce peut avoir sur les critiques et/ou son public. On peut même extrapoler au monde du cinéma, sans aucun souci. J'oubliais, le film est ultra court (1h05) mais ne s'empêche pas des longueurs qui marquent le malaise.

 

Je ne peux pas conseiller ce "Yannick" malheureusement. Il n'y a rien de remarquable ici, rien qui ne fasse que le film sorte du lot. Je pense que Dupieux n'a pas su comment le conclure, et s'est rapidement retrouvé embourbé alors que le postulat de départ est excellent. Malgré tout, il arrive, grâce à son interprète principal Raphaël Quenard (qui aspire toute l'attention de façon magistrale) à tenir sur l'heure proposée. Si on arrive à faire fit de l'écriture ratée, on passe un bon moment, qui questionne énormément sur notre façon de consommer du divertissement.

 

On pourrait voir une tonne de chose en extrapolant (les critiques sur internet, le rapport à la restauration, dont Yannick se sert comme de comparaison au début), mais mon esprit n'est pas assez doué pour cela. J'ai aimé, en constatant que le film possède de nombreuses tares. Seulement, cette vision abrupte des comédiens et comédiennes qui jugent rapidement et sont hors sol me paraît tout de même en partie réaliste. Mais je m'égare. Donc, j'ai aimé, bien que j'en ressorte un peu chamboulé. Par contre, si vous vous attendez à une énorme comédie, certes on rit, mais il y a pas mal de passages malaisants aussi. C'est pourquoi je ne peux pas vous le conseiller.

 

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